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Éditorial (Lettre blanche n°44 - novembre 2006)

Inventive, la foudre disposait de tout,
sans déranger la pénombre solennelle.

André Frénaud,
Disparition - Nul ne s’égare

 

 

Quand j’essaie de me rappeler l’apparence de ceux qui étaient des adultes au temps de mon enfance, je suis frappé du grand nombre de ceux qui accusaient une obésité précoce.
Zweig, Le monde d’hier

COMME QUOI, il y a plus d’un siècle, déjà (S. Zweig est né en 1881)...Mais peut-être qu’on n’avait pas l’IMC à l’époque. Sinon, que montreraient les statistiques ?

On l’avait décidé à l’assemblée générale, alors on se lance … Après les nocturnes, les vespérales ! L’idée est d’organiser des soirées-débats-discussions, moins « organisées » que les nocturnes, entre adhérents (et autres, si affinités), autour d’un thème qui s’y prête bien, par exemple autour de chiffres très présents dans l’actualité. Un « café-chiffres-dans-le-débat-public » en quelque sorte, avec un objectif de quatre en 2007.

Pour notre première vespérale, nous avons choisi collectivement un thème qui a beaucoup fait chauffer les mails ces derniers temps : le surpoids de notre belle France. Car, comme vous ne pouvez pas l’ignorer, consommateurs effrénés de médias que vous êtes, nous grossissons, un peu trop semble-t-il ! Elle aura donc lieu le 18 janvier, à 18h30, à l’Engref, où se sont déjà tenues deux nocturnes.

Comment amorcer le débat ? Nous proposerons un petit tour de la presse déchaînée : cela devrait nous mener directement à l’indicateur-clé de mesure du surpoids et de l’obésité : l’IMC ou indice de masse corporelle (BMI in English), le désormais célèbre rapport du poids (en kg) au carré de la taille (en m2) et ses seuils définissant le surpoids (25 kg/m2) et l’obésité (30 kg/m2).

Collectez des coupures de presse, on n’a sûrement pas tout lu ! Deux volontaires et néanmoins érudits Pénombriens nous narreront ensuite la belle histoire de l’invention de l’IMC par Buffon, pour terminer sur la définition de ces fameux seuils par l’IOTF (International Obesity Task Force), en passant par de curieux liens avec l’industrie pharmaceutique. S’il y a des historiens dans l’auditoire, leurs compléments seront les bienvenus ! Ensuite, nous proposerons un petit décorticage collectif et pénombrien de l’information chiffrée. On ne se refait pas… Au fait, d’où viennent ces chiffres sur l’obésité ? D’abord de l’enquête Obépi - résultat d’une association entre le laboratoire Roche, TNS Sofres et une unité Inserm - leader de la communication sur les chiffres de l’obésité et vedette incontestée de la presse. Y a-t-il d’autres enquêtes ? Confirment-elles le diagnostic ?

Et comment recueille-t-on la taille et le poids : faut-il peser et mesurer ou peut-on poser la question aux gens ? Cela donne-t-il les mêmes résultats ?

Par ailleurs, on cherchera des réponses à quelques questions obsédantes comme : pourquoi a-t-on les mêmes seuils pour les hommes et les femmes ? Comment fait-on pour les enfants ? Pourquoi n’a-t-on pas l’impression de croiser un obèse sur dix personnes dans la rue alors que le taux dans la population est d’environ 10 % ?

Pour le risque cardiovasculaire, il paraît qu’il vaut mieux un gros cul qu’un gros bide, alors pourquoi pas un indicateur qui en tiendrait compte ? Et enfin, la plus grave : est-ce que Maradona s’est fait poser un anneau gastrique ?

Comme nous sommes quand même des gens très sérieux à qui on ne la fait pas, nous avons une autre question centrale à débattre : qui a intérêt ou désintérêt au développement de cette grande cause nationale ? La santé publique car l’obésité est nocive pour la santé ? Ça serait plutôt moral… mais dans la série « y a-t-il un marché de l’obésité ? », nous avons bien sûr d’autres candidats : les industries pharmaceutiques qui produisent les médicaments anti-obésité ? Les industries agro-alimentaires qui vendent du trop gras, trop salé… mais qui se soignent ! (au fait, est-ce qu’il y a du sucre ajouté dans les carottes râpées sous vide ?), la politique agricole commune et ses surproductions de beurre et de sucre à écouler par les précédentes ? Les coachs sportifs qui vont nous aider à bouger pour maigrir ?… Et les médias dans tout ça ?

Remarque du naïf de service : on parle du marché de l’obésité. Je me demande s’il n’y a pas parfois obésité du marché ... On pourrait créer et calculer un indice de masse commerciale ? Et au fil de l’eau (plus saine que vin ou sodas), certains nous ont promis des séquences choc sur la chirurgie de l’obésité, sur quelques tranches de vie d’obèses (l’IRM chez les vétos, c’est vache !) et le parler politiquement correct « nutrition-santé ».

Pour l’ambiance, n’hésitez pas à apporter de l’eau (et même du vin et du soda, Pénombre n’est pas intégriste ! ) à leur moulin…

Enfin, pour ceux qui hésiteraient encore à nous rejoindre au vu de ce menu alléchant, c’est promis : la vespérale s’achèvera (vers 21 heures) sur un double buffet : un côté « diététique » pour les convaincus du manger sain, un côté « gras et sucré » pour les autres…

Contact : redaction@penombre.org