Pénombre, la vie publique du nombre

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Espérance de vie : ou de mort ?

LU SUR LE SITE de Libération au 31 décembre 2007, sous le titre « Exclusion. Un collectif recense les morts de la rue malgré le peu de données », le passage suivant :

« 50 ans d’espérance de vie

« On meurt jeune dans la rue. Pour les 99 morts recensés entre mai et novembre 2007, le Collectif des morts de la rue a procédé à une analyse de ces décès par tranche d’âge : seuls 6 victimes avaient plus de 65 ans. Chez les autres : 19 avaient moins de 46 ans, 22 entre 46 et 50 ans, et 22 entre 56 et 65 ans. Moyenne d’âge pour l’ensemble : 50 ans, dans un pays où l’espérance de vie moyenne est de plus de 80 ans (77,2 ans pour les hommes et 84,1 ans pour les femmes). « Nous sommes confrontés chaque jour à la mort prématurée des personnes de la rue », écrit Christophe Louis [président du Collectif des morts de la rue] dans sa lettre [à Christine Boutin]. Et leur espérance de vie est de trente ans inférieure à celle de l’ensemble des Français. »

On pourrait dire que aussi que dans les maternités, sur les terrains de sport, sur le lieu de travail ... l’âge moyen des décès est également largement inférieur à l’espérance de vie. Que faudra-t-il en conclure ?

L’espérance de vie (à la naissance) n’est pas l’âge moyen de décès ! Le rapprochement de ces deux notions n’est pas approprié pour confirmer cette évidence : les sans-abris meurent plus jeunes que les bien-logés. Il me semble qu’il aurait été plus judicieux par exemple de comparer le taux de décès des SDF avec celui attendu d’une population de structure comparable (âge, sexe ...).

L’espérance de vie à la naissance (ou à l’âge 0) représente la durée de vie moyenne – autrement dit l’âge moyen au décès – d’une génération fictive sou¬mise aux conditions de mortalité de l’année. Elle caractérise la mortalité indépendamment de la structure par âge. Autrement dit, l’espérance de vie est un indice conjoncturel, ce n’est pas plus la prévision de l’âge moyen des décès de l’année que la durée de vie de ceux et celles qui viennent de naître !

Gérard Grancher