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Fumeuse arithmétique

Le Monde du 13 octobre 1999 rend compte du rapport du député Recours sur la fiscalité du tabac. Au milieu d’un article de Laurent Mauduit, le metteur en page a placé un placard en gros caractères : "Une hausse de 20% des prix de vente étalée sur cinq ans revient au même qu’une augmentation moyenne de 5% par an." Je relis ça par deux fois, pour bien me convaincre. Même en faisant fi des intérêts composés, 5 fois 5, ça ne fait pas 20. Ou alors on a changé quelque chose depuis que j’étais au CP. Tout f… le camp, ma pauvre dame !

On attendrait quelque chose comme 4% par an. Le calcul précis (avec des multiplications et non des additions) donne 3,7% : c’est encore pis. En effet,
1,037 x 1,037 x 1,037 x 1,037 x 1,037 = 1,20.

Je lis attentivement l’article. Ce n’est pas l’auteur qui a écrit ça (souvent, les titreurs aiment à mettre en vedette une phrase tirée du texte). Quoique, d’une certaine façon, il a fait le lit du délit. Après avoir noté que la hausse prévue pour l’année 2000 est de 5%, il écrit que le rapport, en suggérant "que la hausse de 20% soit étalée sur cinq ans [...] ne propose donc en réalité que de maintenir… le statu quo." On comprend son argument : 20 sur cinq ans, ce n’est pas une rupture par rapport à 5 en un an. On est d’accord. Mais, l’incongruité arithmétique qui s’ensuit n’est pas moins énorme.

J’en étais là, quand passe ma copine Jeanne, qui est à Sciences Po. Je lui pointe l’encart. Elle le regarde, me regarde, puis dit "oui, et alors ?". Je lui demande si 5x5 = 20. Elle rêve un instant, mais n’est pas choquée.

Mélanie Leclair

 
Pénombre, Mars 2000