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INSEEcurité

L’INSEE sait faire court. Son ouvrage de synthèse France, portrait social, édition 2000, présente tous les grands sujets de société en chiffres clés, par fiches thématiques. Deux pages sont consacrées au thème "sécurité justice", en vingt-huit lignes, quatre tableaux et un encadré méthodologique succinct.

Parmi les quelques points mis en évidence, d’abord, celui tiré des enquêtes de "victimation". Il est écrit en ouverture de l’article :

"En France, au cours des années 1996-1997, près de 14% des ménages ont été victimes d’un vol de voiture ou d’un vol à la roulotte. En deux ans 25% des personnes âgées de moins de 25 ans ont été victimes de vols de voiture ou à la roulotte, contre 13% de celles âgées de 40 à 69 ans.

"Sur la même période, 6% des personnes de 15 ans ou plus ont été victimes d’une agression physique ou verbale. Chez les jeunes comme chez leurs aînés, les hommes sont par ailleurs plus exposés à la violence que les femmes."

Ah bon ?

 
Un

Heureusement, en tout petit, à côté du tableau correspondant, on lit que le pourcentage est calculé parmi les ménages possesseurs de voiture. Bien entendu, les personnes âgées de plus de 40 ans ont plus les moyens de posséder une voiture que celles âgées de moins de 25 ans et donc sont quantitativement, mais pas proportionnellement, plus exposées au vol de ou à l’intérieur de leur voiture. Toutefois, il ne faudrait pas confondre propriété d’une voiture et risque d’exposition au vol. Le fait de posséder un garage, ou le lieu de résidence, par exemple, change la donne. Le critère de l’âge, présenté dans ces conditions est-il pertinent ? A première vue, on aurait pu croire que l’on comptabilisait les vols de majorettes et de dinky toys (cela existe-t-il encore ?) dans les cours de récré.

 
Deux

Le côté subjectif de l’agression verbale ferait douter de toute statistique en la matière, et l’enquête menée par l’Education nationale sur les violences en milieu scolaire s’est exposée aux mêmes limites. Faudrait-il au moins préciser : "les personnes interrogées déclarent"… Quant aux "hommes plus exposés à la violence que les femmes", l’affirmation paraît trop générale. S’il était avéré, un tel retournement historique depuis Néanderthal mériterait des explications complémentaires, notamment sur la violence entre mâles, la distinction violences "domestiques" et violences de voie publique, violences sexuelles et autres.

 
Patchwork

Parmi les données pénitentiaires et de délinquance fournies en vrac, relevons :

"Délits et contraventions sont à l’origine de neuf incarcérations sur dix", alors que le nouveau code pénal ne permet plus l’incarcération pour simple contravention.

"En 1997, la durée moyenne d’incarcération a diminué", en comparant 1997-1996, alors que le phénomène marquant de ces dernières années est l’augmentation constante de la durée moyenne d’incarcération passée de 7 mois en 1990 à 8,3 mois en 1998, sans rupture sur 1997 - 1996 1.

Et tout le reste est à l’avenant, puisque, pour compléter ce patchwork, sont aussi choisis quelques chiffres de délinquance constatée d’une année sur l’autre 98/97, ce qui ne permet aucune compréhension des tendances réelles.

Qu’est ce qu’on aime l’INSEE quand il fait long !

Jean-Paul Jean
 

1 Source : base SEPT, administration pénitentiaire, chiffres métropole.

 
Pénombre, Juin 2000