Pénombre, la vie publique du nombre

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L’ordre de l’ordinaire

A propos du livre d’Elisabeth Busser et Gilles Cohen :
Jeux d’esprit et énigmes mathématiques *

E. Busser et G. Cohen montrent combien et comment, dans le quotidien on est manipulé par les "chiffres".
 

L’éditeur a imposé le titre, le trouvant sans doute plus commercial bien que trompeur. Dommage, car il ne correspond guère au contenu, alors que celui proposé par les auteurs "Comptes de la vie ordinaire", devenu simple sous-titre, en dit bien plus long sur cette leçon d’instruction civique, option mathématique, qui pourra passionner bien des lecteurs de Pénombre.

Les titres des chapitres annoncent la couleur (si l’on peut parler ainsi dans (la) Pénombre) : Acheter, Financer, Circuler, Voter. "Acheter" est en tête. "Voter" ferme la marche ! Quel symbole de notre société !

Et chacun de ces chapitres permet de mesurer combien le consommateur, le contribuable, l’automobiliste, le citoyen (c’est-à-dire vous et moi), risque d’être manipulé sans une attention de tous les instants.

Saviez-vous, par exemple, que si vous possédez une voiture rouge, la logique statistique voudrait que vous payiez une surprime d’assurance ? Les voitures rouges sont significativement plus souvent impliquées dans des accidents que les autres (page 119). N’avez-vous jamais été dupe pour un placement qui affiche un rapport de 7,18% l’an et qui ne vous rapporte que 6.27% (page 100) ? Mais n’ayez pas honte, les "spécialistes" ne sont pas les meilleurs ! Un directeur d’un institut de sondages a affirmé, sur les ondes, qu’un sondage s’appuyant sur un échantillon de 850 personnes représentatif d’une population de 800’000 personnes était quand même plus fiable que celui qui s’appuyait sur un échantillon de 1’000 personnes représentatif d’un corps électoral de 34’000’000 de personnes (page 202). Et je vous laisse deviner ce qu’il advint (ou mieux, reportez-vous à la page 44) lorsqu’une promotion d’énarques eut à commenter l’article ci-dessous, paru le 26 janvier 1977 dans Le Canard Enchaîné.

Daniel Reisz

 
* Elisabeth Busser et Gilles Cohen : Jeux d’esprit et énigmes mathématiques, comptes de la vie ordinaire, Paris, Odile Jacob, 215 pages, 130 F.

 

 

Et les 0,4% ? Depuis le 1er janvier, on nous l’a assez dit, la TVA sur un tiers des produits est ramenée de 20 à 17,6%, soit une baisse de 2,4%. Une baisse qui, avait annoncé Barre, devrait être répercutée "intégralement" au stade du consommateur. Or tout le monde l’a constaté, la ristourne dans les magasins est au maximum de 2%. Manque 0,4%. 0,4% ce n’est pas grand chose, mais ça représente quand même la bagatelle de 1,4 milliards de francs pour 1977. En fait, il s’agirait d’une bonne manière électorale que le gouvernement a voulu faire aux commerçants, mais en les suppliant surtout de n’en rien dire à personne. Alors chut ! n’en disons rien. Le Canard Enchaîné, 26 janvier 1977

 

 
Note de la rédaction :

Les exemples cités par Daniel Reisz sont volontairement elliptiques. En consultant le livre de E.B. et G.C., ces chiffres et beaucoup d’autres, y sont décortiqués et expliqués. Les auteurs donnent, en plus tout au long du livre, quelques outils simples pour pouvoir résister aux mécomptes de la vie ordinaire.

 
 
Pénombre, Octobre 1999