--

La moyenne, ce virtuel démoniaque

Matinale de France Inter le 2 septembre 2011. Le ministre de l’Éducation nationale, Luc Chatel, interrogé sur les suppressions de postes d’enseignants, réplique que le nombre moyen d’élèves par classe est (je cite de mémoire) d’à peine 20 dans le primaire, de moins de 25 au collège et d’un peu plus de 25 au lycée.

Tout va donc très bien madame la marquise ? Non ! L’utilisation de la moyenne ici, ou l’utilisation exclusive de cet indice, comme dans bien des cas, est une tromperie. Un professeur n’enseigne pas devant un nombre moyen d’élèves, mais devant un nombre réel !

Supposons un tout petit, petit pays avec trois classes de CP et une moyenne de 20 élèves par classe. Si l’une des classes comporte 20 élèves, une autre 15 élèves, la troisième en comportera logiquement 25.

Or si on estime, par exemple, qu’une classe est surchargée si elle dépasse 23 élèves, malgré cette moyenne de 20 très inférieure à cette norme, on aura une classe surchargée parmi les trois ! Or on a des classes avec des effectifs en dessous de la moyenne pour de multiples raisons, ce qui signifie qu’on en a au-dessus et que certaines peuvent avoir beaucoup (trop) d’élèves. Ainsi lors d’un JT quelques jours après la rentrée on a eu un reportage sur une classe de primaire de 32 élèves !

La moyenne par classe est donc un mauvais indice, en tout cas un indice insuffisant pour juger des conditions de travail, et des profs et des élèves. Il en faut d’autres.

À cet égard les indices de l’Insee concernant le logement sont très intéressants. L’indice le plus connu est le nombre moyen de personnes par ménage, un ménage étant le ou les occupants d’une résidence principale. Ce nombre, qui était de 3,1 au début des années 60, a beaucoup diminué depuis. Ainsi on a l’évolution récente suivante :

1982 : 2,7 /  2006 : 2,3

On peut penser que cette forte diminution traduit une amélioration sensible des conditions de logement. Est-ce que pour autant tout le monde est bien logé ?

Heureusement l’Insee ne se contente pas de cet indice pour décrire la situation et son évolution, mais calcule aussi le nombre et la proportion de logements suroccupés. Pour cela on a défini un nombre minimal de pièces compte tenu de la composition du ménage. Les ménages qui n’ont pas ce nombre minimal sont donc dans des logements suroccupés. Pour les deux mêmes années on a les proportions suivantes de suroccupation :

1982 : 11,4% /  2006 : 3,6%

Le passage de 11,4% à 3,6% confirme ce que laissait entrevoir celui de 2,7 à 2,3 : la situation s’est globalement beaucoup améliorée. Cela étant, on voit qu’il ne faut pas se laisser abuser par la très faible valeur du nombre moyen de personnes par ménage actuel. Malgré ces tout juste 2,3 personnes, il y a toujours des ménages qui sont à l’étroit, sans compter les personnes qui n’ont pas de logement du tout.

Or pour une politique qui vise à éradiquer le mal logement la proportion de ménages mal logés, sans compter les non logés, est plus importante que les moyennes.

Ne devrait-il pas en être de même pour l’école ? Si on cherche à avoir des conditions correctes d’encadrement pour tous les enfants, il faut connaître la situation réelle. Pour cela il faut un autre indice que la moyenne, à l’image des logements suroccupés, celui des classes surchargées !

Alfred Dittgen