La vitesse augmente le nombre d’accidents et leur gravité et tout citoyen devrait en tenir compte dans son comportement. C’est pourquoi, je suis très favorable à la pub en faveur de la réduction de la vitesse. Cela étant, je ne suis pas seulement citoyen mais aussi pénombrien, ce qui m’amène à m’interroger sur un message de la Sécurité routière parue dans le Monde du 30 avril 2011, et dans d’autres journaux, je suppose, où on nous dit : « Les radars sauvent des vies, la preuve : 1% de vitesse en moins c’est 4% de morts en moins ». Les limitations de vitesse actuelle en France, comme chacun sait, sont de 130 km/h sur autoroute, de 110 sur voie rapide, de 90 sur route et de 50 en ville. Pour réduire de 4 % les décès actuels, c’est-à-dire, les faire passer de 4 000 à 3 840, il faudrait donc réduire les limitations précédentes à, 128,7 km/h, 108,9 km/h, 89,1 km/h, 49,5 km/h, respectivement.
On voit mal des panneaux afficher de telles valeurs. Si la règle est vraie pour chaque réseau, une réduction de 10 km/h dans chacun d’eux, c’est-à-dire des limitations à 120, 100, 80 et 40 km/h, feraient diminuer les morts de, respectivement, 28%, 32%, 38% et 60%. Poussons le raisonnement. À combien faudrait-il limiter les vitesses pour arriver à 0 mort ou, plus exactement, à un nombre qui, arrondi, donne 0 ? La réponse est : 14,1 km/h sur autoroute, 11,9 sur voie rapide, 9,8 sur route et 5,4 en ville ! Le choix serait-il donc entre beaucoup de morts sur les routes et le retour de la voiture à cheval ? Ou peut-être ai-je mal compris le message ?
Alfred Dittgen
L’auteur me permettra d’ajouter une référence à des statistiques anciennes. Au milieu du XIXe siècle, l’automobile n’est pas encore sur la route mais la circulation en voiture à cheval est déjà intense. Les accidents corporels ne sont pas totalement absents. Le Compte général de l’administration de la Justice criminelle en France pour 1865 indique que 132 affaires ont été jugées par les tribunaux correctionnels pour « homicides involontaires occasionnés par la mauvaise direction ou la rapidité d’une voiture ou d’un cheval » donnant lieu à 130 condamnations dont 80 à de l’emprisonnement. Le Compte n’isole pas les affaires classées sans suite pour ce motif. Tous les accidents ne donnant pas lieu à signalement judiciaire (en particulier quand le conducteur est aussi la victime), la mortalité routière n’est pas absente. Le retour à la voiture à cheval ne réduirait donc pas le nombre de tués sur la route à zéro, arrondi ou pas. D’ailleurs, la variation du nombre de ces tués était déjà préoccupante du temps de ce mode de transport, puisque 61 affaires avaient été jugées en 1831 pour les mêmes homicides involontaires. La répression croissante ne suffisait déjà pas à rendre la voie publique plus sûre.
B. A. de C.