Extrait (certifié authentique) de l’audition de Francis Lott par la commission d’enquête "Immigration clandestine et séjour irrégulier d’étrangers en France" (tome II page 261).
Avec par ordre d’entrée en scène :
Le député : Jean-Pierre Philibert, (Président de la commission).
Le directeur : Francis Lott, (Directeur de l’OFPRA au moment des faits).
Le débouté : absent, il se terre quelque part, en France évidemment.
M. le Président : Combien de personnes, déboutées dans leur demande de droit d’asile, se trouvent encore sur le territoire français ?
Francis Lott : On compte au moins 120’000 déboutés depuis 1991.
M. le Président : Si l’on procède par extrapolation, le chiffre de 200’000 déboutés du droit d’asile continuant à résider sur le territoire national vous paraît-il proche de la réalité ?
Francis Lott : Cela ne me paraît pas invraisemblable.
M. le Président : Monsieur le directeur, cela veut donc dire que 200000 personnes ont organisé leur anonymat à partir d’une demande de droit d’asile qu’elles ont présentée à vos services.
Par un raisonnement admirable le député et le directeur ont trouvé Le Chiffre. Le débouté clandestin a 200000 congénères. 200000, voilà de quoi alimenter commissions d’enquête, fantasmes et projets de loi.
Qu’il faille tordre le cou à la simple logique est ma foi de peu d’importance.
Qui donc remarquera que nos gouvernants sont un jour convaincus de la mobilité des demandeurs d’asile pour justifier Shengen et Dublin, et le lendemain convaincus de leur immobilité pour sommer sans vergogne les déboutés des années successives.
On pourrait, sans être moins vraisemblable, affirmer qu’à peine la moitié des 120000 déboutés restent sur nos terres, et opposer alors, au grand 200000 un petit 50000.
Mais entre les deux extrêmes se glisse le démon de la moyenne.
Et, pour tirer la moyenne comme on tire la couverture à soi, déjà, dans les couloirs du pouvoir, se murmure la belle somme de 350000 déboutés en quelques lustres.
La politique se nourrit de batailles de chiffres dont l’honnêteté statistique est le moindre souci.
Luc Legoux, démographe,
Université Paris I
Pénombre, mars 1997