Les nombres utilisés dans le débat public tendent à capter toute la lumière alors qu’ils la supportent mal. La faible résistance d’un nombre à la lumière de « l’actualité », a des origines multiples : flou dans les origines ou les définitions, erreur dans les échelles ou les unités, statistique hors contexte ou ordre de grandeur absent, approximation de catégories, erreur méthodologiques, source invérifiables,… Et dès qu’une statistique sort de son environnement, les spécialistes du sujet ne s’y retrouvent pas.
Pourquoi le nombre est-il alors utilisé, repris en boucle, inévitable ? Sans doute d’abord parce qu’il fournit une clef d’entrée dans une problématique, et en conditionne la réception par le non-spécialiste. Il amplifie ou minimise un fait. Il crédibilise une assertion, devenue information. Il va capter l’attention, et parfois même faire exister un sujet. Mais peut-être aussi parce que d’un outil, nous faisons une idole. En cela, sa première utilité est sans doute de nous renseigner sur la société qui le produit et l’utilise ainsi, société angoissée qui espère se rassurer par cette fétichisation d’une illusoire précision, société morcelée que la statistique voudrait recoudre, société sans projet qui, par le nombre, veut sortir de la pénombre.
Demi Joore et Toussaint Tillant
Janvier 2012