Pénombre, la vie publique du nombre

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« Le pape, combien de divisions ? » (Staline)

Dans La Croix du 20 février 2006, on lit : « 12 millions de catholiques supplémentaires ont été enregistrés entre 2003 et 2004, c’est ce que relève l’Annuaire pontifical pour l’année 2006 (…).
Cet annuaire (…) comptabilise un total de 1 098 millions de fidèles de l’Église catholique dans le monde. Toutefois proportionnellement (...) à la population mondiale, la part des catholiques dans le monde a légèrement baissé, passant de 17,2 % à 17,1 %. »

Voilà une information simple mais qui ne manque pas de soulever la question : « Qu’est-ce qu’un catholique ? » et cette autre : « Comment peut-on comptabiliser ces personnes ? » Pour l’Église, un catholique c’est quelqu’un qui a été baptisé, bien que certains de ces baptisés, c’est particulièrement vrai en France, ne s’estiment pas pour autant faire partie de l’Église. Admettons cependant cette définition. Alors, comment compter ces baptisés ?

Quelques rares pays, l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse, tiennent des registres officiels de catholiques (et de protestants) - auxquels échappent les baptisés qui s’en sont fait radier pour éviter l’impôt ecclésiastique⁽¹⁾. Quelques autres pays posent la question de la religion au recensement, ce qui conduit au nombre de personnes qui s’affichent catholiques et non au nombre de baptisés.

Mais dans la plupart des cas, comme en France, il n’y pas de statistiques religieuses, les données ne peuvent être qu’évaluées. Les diocèses, qui envoient chaque année au Bureau central des statistiques au Vatican leur chiffre de catholiques, n’ont aucun moyen de le mesurer. « Comment ? », me-direz vous, puisqu’on connaît le nombre de baptêmes. Oui, mais les baptisés ne sont pas confinés dans leurs diocèses et leurs migrations ne sont pas enregistrées, ni d’ailleurs leurs décès. Comment font alors les responsables des diocèses ? Ils donnent un nombre plus ou moins inférieur à celui de la population totale, pour autant que celui-ci est connu …

Je me suis amusé il y a un certain temps déjà, en 1989, - mais ce serait étonnant que les choses se soient beaucoup améliorées depuis - à regarder les chiffres de baptisés donnés par les diocèses français et contenus dans l’annuaire en question. Quand on rapporte ces chiffres à ceux de la population totale et quand on fait la carte des proportions de baptisés ainsi obtenus, on obtient quelque chose qui ne correspond absolument pas à la géographie catholique traditionnelle. Ainsi, le diocèse de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), diocèse urbanisé, de tradition communiste, comportant le plus d’immigrés non européens, compterait 85 % de baptisés, davantage que celui de Laval (Mayenne), avec 84 %, traditionnellement très catholique. Espérons que les réponses trop optimistes et les trop pessimistes se compensent au niveau du chiffre de l’ensemble des baptisés de la France. Et également de l’ensemble du monde.

En résumé, on peut tout juste dire, avec beaucoup de prudence, que les catholiques, sans trop savoir s’il s’agit de baptisés ou de personnes disant appartenir à cette Église, sont actuellement environ 1 milliard et que leur nombre augmenterait à peu près au même rythme que celui de la population totale.

Alfred Dittgen

^{(1) Le Vatican a fait savoir récemment (juin 2006) à l’Église catholique d’Allemagne qu’un « sorti d’Église » reste un catholique avec droits et devoirs afférents, alors que l’Église en question estime qu’il n’a plus droit à ses « services » (mariage, obsèques…).}