LE JEUDI 20 MARS 2003, à 2 heures (heure de Paris), l’ultimatum de 48 heures lancé par le Président Bush à Saddam Hussein expirait, sans signe apparent d’une offensive américaine contre l’Irak. À 3 heures 50, le porte parole de la présidence américaine, Ari Fleischer, annonçait que la guerre avait commencé. Dès 4 heures 15 commençaient les frappes contre des objectifs militaires. L’opération avait pour nom de code : “ Liberté pour l’Irak ” (Iraqi Freedom).
Près de 1 000 militaires morts en 15 mois
Le 21 mars, les troupes américaines et britanniques enregistraient leurs premiers morts (respectivement 6 et 8). A la chute de Bagdad, le 9 avril, le bilan des morts s’élevait à 148, dont 117 américains. Au cours de la période suivante, de la chute de Bagdad à la déclaration de George Bush annonçant la fin des combats majeurs en Irak, le 1er mai 2003, 24 militaires dont 22 américains étaient tués. Depuis, et jusqu’au 28 juin 2004, date du transfert de “ souveraineté ” aux autorités irakiennes, 804 autres militaires ont été tués dont 719 américains. Le bilan total des pertes au 28 juin dernier s’établit ainsi à 976 soldats tués et 5 271 soldats blessés, cela en 468 jours, donc.
Un bilan peu commenté en France
Aux États-Unis, le 1er mai dernier, différents médias revenaient sur ces bilans un an après la déclaration de fin des combats majeurs. Un quotidien national publiait ainsi les photos de tous les soldats américains morts en Irak. En France, l’information était brièvement reprise, la presse insistant d’abord sur la grogne dans l’opinion américaine contre la politique de George Bush au Moyen-Orient et sur les sévices infligés à des Irakiens par des soldats américains. Mais, aucun bilan détaillé n’a encore été publié par les grands médias.
Pourtant, le 1er mai constituait une date anniversaire importante, d’autant que le mois d’avril avait enregistré le plus grand nombre de décès depuis le lancement de l’opération militaire (140 dont 131 dans des hostilités). Rien n’indique qu’une attention particulière sera portée cet été au millième mort d’un soldat de la coalition1.
Données-clés
Les pertes subies par les troupes de la coalition sont précisément documentées, en nombre de tués, de blessés, de prisonniers et de disparus. L’information est aisément accessible (DOD, CNN, www.icasualties.org, etc.), avec peu d’écarts entre les sources. Voici donc rapidement quelques indicateurs marquants :
les décès
Les graphiques montrent que le nombre des tués s’était stabilisé après les deux premiers mois d’opérations militaires mais qu’il tend à s’élever depuis la fin 2003. Il présente notamment des pics très élevés en novembre 2003 (110) et, surtout, en avril (140) et mai (84) de cette année. Certaines semaines ont été particulièrement désastreuses.
De façon générale, le niveau des pertes (2,09 par jour en moyenne depuis le début des opérations) s’est accru au second trimestre, avec, pour le seul mois d’avril, pratiquement autant de décès que pendant les six semaines de combat de 2003.
Depuis le début des opérations, les trois quarts (75,5 %) des décès ont été occasionnés par les combats ou sont liés à des attentats, en particulier avec usage de bombes artisanales (les IED - improvised explosive devices). Ce taux est très irrégulier mais il augmente significativement depuis le début de l’année (82 %). Les autres décès sont imputables à des accidents (circulation, électrocutions, noyades…), à des tirs “ amis ”, à la maladie, aux suicides,...
La plus grande partie des soldats tués sont américains (88 %) et anglais (6 %), puis italiens et espagnols. Dix autres contingents de la coalition ont également enregistré des pertes humaines. Enfin, comme dans toutes les guerres, les militaires tués sont essentiellement de jeunes soldats : en moyenne de 27 ans, et pratiquement un sur cinq de 20 ans ou moins.
Les morts irakiens, militaires et civils
A contrario, l’information sur les soldats irakiens tués aux combats, fait défaut, les autorités irakiennes auraient détruit les fichiers lors de la chute de Bagdad. De son côté, le Général Tommy Franks, commandant des troupes américaines, avait prévenu les journalistes le 16 mars 2004 : “ We don’t do [enemy] body counts ”.
Cependant, différents organismes non gouvernementaux ont procédé à des estimations, en particulier le Project on Defense Alternatives (PDA) du Commonwealth Institute, un “ think tank ” basé à Cambridge (Massachusetts) qui a croisé de nombreuses sources et conclu que, entre le 19 mars et le 1er mai 2003, 10 800 à 15 100 irakiens ont été tués, dont 30 % environ (soit de 3 200 à 4 000) étaient des civils.
De même, IBC (Iraq Body Count) s’est inspiré des travaux du professeur Marc Herold sur les civils morts durant la guerre en Afghanistan depuis octobre 2001 à ce jour. Il cherche à construire une banque de données publique, indépendante et complète, des civils morts en Irak, d’après les rapports publiés par les médias, suite aux interventions militaires directes des États-Unis et des Alliés en 2003.
Sur la base de documents publiés par des médias online et de témoignages visuels, compte tenu des écarts entre les sources, l’estimation au 30 mai 2004 était comprise dans une fourchette de 9 451 à 11 333 civils tués.
En conclusion
Ce sont là quelques-unes des analyses qu’il est possible de faire à partir des sources accessibles. Elles permettent de vérifier que la situation des troupes de la coalition en Irak reste particulièrement exposée et que les morts épisodiquement mentionnées par la presse française ne constituent que des illustrations ponctuelles d’un phénomène continu.
Par ailleurs, la comparaison avec les estimations des tués irakiens lors de la première guerre du Golfe (1991) ne manque pas de surprendre : 20 à 26 000 soldats et quelque 3 500 civils tués, alors que l’opération Iraqi Freedom devait être exemplaire de précision et aurait dû épargner les civils ! Ce que certains appellent déjà “ the paradox of the New Warfare ”.
Daniel Cote-Colisson
1. Jeremiah Schmunk, 20 ans, militaire de la garde nationale de l’armée américaine, a été mortellement atteint par un tir ennemi, le 9 juillet 2004 à Bagdad. Il est le millième tué des troupes de la coalition.
Les Echos du 19 avril 2004, à la une : "...12 milliards d’€ de déficit en 2004, soit 23 000 € chaque minutes".
C’est beaucoup, au moins en apparence ; et puis c’est étudié pour. On appelle ça la communication.
On pourrait calculer autrement. Par exemple : 12 milliards de déficit annuel cela représente 12mds/60millions d’habitants = 200 € par habitants. C’est déjà moins, et si on calcule par jour... : 200/365 = 0,547 €, soit 54,7 centimes d’€. Alors, si on calcule par heure : /24 = 2,28 centimes d’€, et par minute : /60 = 0,038 centimes d’€. Il n’y a vraiment plus de quoi pleurer. Ce n’est même pas l’épaisseur d’un fil du mouchoir...
Jean-Claude GAGNA
Pénombre, Août 2004