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Le stable et le précaire

Le Monde Initiatives du 2 décembre titre "Le travail précaire est le véritable moteur de la hausse de l’emploi". Traduction erronée de chiffres par ailleurs corrects. Ces chiffres montrent que le nombre d’emplois s’est accru ; et, que les emplois dits "précaires" se sont accrus plus vite que les autres. Mais, pour pouvoir dire qu’ils ont été "le moteur" de l’accroissement, il faudrait qu’ils aient une autonomie de croissance et qu’ils aient un effet d’entraînement sur les autres. Autrement dit, que quelqu’un ait décidé "je vais augmenter les emplois précaires" ; et, que quelqu’un d’autre ait dit, voyant cela "puisqu’il en est ainsi, je vais augmenter les emplois stables". Ainsi reformulé, on voit que c’est absurde. Si l’emploi a augmenté, c’est que les entreprises avaient leurs raisons pour recruter. Là est le moteur. Ensuite, qu’elles aient préféré le faire en emplois précaires est une modalité que l’on peut regretter, que l’on peut expliquer, mais qui n’est en rien la cause de l’accroissement.

La comparaison des rythmes d’accroissement ne dit du reste rien de ce qui prédomine. Si un effet d’entraînement comme celui que l’on énonce ci-dessus était possible, on pourrait très bien avoir qu’un emploi précaire en provoque plusieurs stables : ce serait le phénomène le moins massif qui serait le moteur du plus massif.

Où l’on voit que le commentaire des chiffres les tire au delà de ce qu’ils peuvent dire. Et, pour affirmer faussement l’existence de ce prétendu moteur, il n’est pas plus convaincant de dire qu’il est "véritable".

René Padieu
Statisticien, INSEE

 
Pénombre, Avril 1999