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Nombrilisme géographique

Dans Le Monde du jeudi 9 septembre 1999 un article signé Patrick Martinat, titré "Voyages aux centres de la France" revient sur la question de la place du nombril de notre beau pays. Bien que cette question relève d’une science dure, la géographie physique, on est confronté ici au même problème que dans les sciences sociales, sciences molles, celui de la mesure, qui ne va pas de soi, mais nécessite des conventions. D’après un responsable de l’Institut géographique national, cité, "il y a autant de centres de la France que de façons de définir le territoire national ; à marée haute ou à marée basse, avec ou sans les îles, avec ou sans les lacs, étangs, estuaires."

Mais de quelle France s’agit-il ? de la France dont nous parlons habituellement, celle de la météo, "la France métropolitaine", ou seulement de la "France continentale" (la même moins la Corse) ? Ou encore de la "France départementale", c’est-à-dire, de la métropole plus les DOM1, qui a les faveurs des démographes de l’INSEE depuis quelque temps, ou de la "France entière", avec les TOM et les Collectivités territoriales (Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte) ?

L’inclusion ou l’exclusion de la Corse pour procéder à cette mesure n’est pas une question socio-politique, mais géographique. Personnellement, je l’exclurais, car je pense qu’un centre n’a de sens que pour un territoire continu, d’où ma préférence pour la seule France continentale. Dans le choix contraire, pourquoi ne pas inclure les DOM, les TOM et les collectivités territoriales, au risque de trouver le centre de notre pays… au milieu de l’océan !

Cela étant, l’article nous apprend que, d’après l’IGN, le centroïde de la France continentale se situe dans la commune de Vesdun dans le Cher, et celui de la France métropolitaine entre les communes de Vallon-en-Sully et de Nassigny dans l’Allier. Je suppose que ces centroïdes ne sortent pas des territoires des communes en question, quelles que soient les hypothèses sur les marées, les îles côtières et les plans d’eaux.

Une certitude en tout cas : le centre ne se trouve pas dans la commune qui s’est proclamée telle depuis longtemps : Bruère-Allichamps dans le Cher.

 
Plus nombriliste que moi…

Dans une note du même journal, P. Martinat. nous rappelle que l’INSEE a désigné la commune de Blancafort dans le Cher comme le centre de zone Euro. Je suis un peu surpris de cette précision, comme je l’avais été précédemment quand les médias nous ont annoncé que cet Institut avait désigné la commune (dont j’ai oublié le nom) centre de l’Europe des Quinze.

La remarque épistémologique "Il y a autant de centres de la France que de façons de définir le territoire etc." ne serait-elle valable que pour la France et pas pour l’Europe ?

Je suis encore plus abasourdi quand l’auteur nous rapporte, sans sourciller, que le centre précis se trouverait "au lieu-dit La Grand-Roche… dans le jardin de Paul Berbain, agriculteur" !

Dans le carré d’épinards ou dans le massif de rhododendrons ?

Alfred Dittgen

 
1. Ainsi, après le dernier recensement (mars 1999) on a annoncé en premier l’effectif de cette population départementale, soit 60,1 millions, qu’il est difficile de comparer, pour ceux qui ont de la mémoire, à l’effectif du recensement précédent (mars 1990), de 56,6 millions, qui portait sur la France métropolitaine !
 

NDLR : le comité éditorial, en sa composante poitou-charentaise, souligne que le nombril du monde (et pas seulement de la France) se situe sans conteste dans la charmante commune de Pougne-Hérisson (Deux-Sèvres) qui organise chaque année un joyeux festival du nombril à l’initiative du conteur de grand talent, Yannick Jaullin.

 
 
 
Pénombre, Mars 2000