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Noter les ministres

L’ÉVALUATION des ministres par un cabinet spécialisé, privé, en fonction de critères quantitatifs, ça ne vous rappelle pas la Lolf ? Les indicateurs ont l’air passionnants. Le ministre de l’Intégration etc. serait jugé au nombre de sans-papiers reconduits à la frontière, le ministre de l’Éducation nationale au nombre d’heures supplémentaires des enseignants, la ministre de la Culture, à l’évolution des fichiers piratés (c’est vrai que la Fnac est « agitateur culturel », elle doit donc être défendue par le ministère...), le ministre des Affaires étrangères ... au nombre de ministres présents au conseil à Bruxelles (celui là, je l’adore).

Bref, une démocratie où ce ne sont plus les citoyens qui évaluent le gouvernement, à travers leurs votes et leurs représentants élus, mais des consultants à travers un « palmarès », avec tout ce que cela comporte... (voir le dossier spécial dans la Lettre blanche n°34)

Nicolas Meunier

Pour avoir pratiqué longuement l’évaluation, je m’interroge également sur la pertinence des critères, non dans l’absolu (après tout, un objectif est un objectif, le réaliser devient un engagement même si l’objectif est stupide !) mais en pratique : comment évaluer Hortefeux sur l’atteinte ou non du nombre de reconduites, si demain Sarkozy décide pour des raisons opportunistes qu’il faut lever le pied ? ou Albanel sur le nombre d’entrées gratuites dans les musées s’il y a des grèves massives de gardiens ? Inversement, quid de l’efficience si des ministres engagent des campagnes massives et coûteuses (type venez dans les musées, c’est gratos) et satisfont aux critères, etc. ?

Quatre cent cinquante critères chiffrés ont été retenus par Matignon, aidé par des consultants privés. Les « critères chiffrés de performance », reprenant les grandes orientations des lettres de mission envoyées à chaque ministre par Nicolas Sarkozy, sont au nombre de 30 ; ils sont propres à chacun des quinze ministres ainsi qu’au haut-commissaire aux Solidarités. 30 x (15 + 1) = 450 ?

Daniel Cote-Colisson

Ils sont où, les 450 objectifs chiffrés ? Je vois par-ci par-là des objectifs, très peu sont chiffrés. Ça fleure bon la Lolf, en effet. Sauf qu’il y avait 1300 et quelques indicateurs, là on descend à 450 : trop fort.

Et si on n’a pas vraiment tous les chiffres, on a gagné quoi ? Juste que les candidats savent à l’avance sur quelles questions ils vont être interrogés : bonjour les impasses ! Et les notes, ce serait quoi ? Des pourcentages de réussite ? Et on fait quoi des trente, la moyenne ? D’ailleurs trente, c’est trop pour un cerveau de pékin moyen, c’est encore le dirlo qui mettra l’appréciation générale.

Françoise Dixmier

De 1300, on passe à 450 indicateurs. S’il y avait une notation de la capacité des noteurs à noter plus efficacement, on aurait là un joli résultat, avec une baisse de 66 % des indicateurs utiles. Et en effet, ça serait intéressant d’avoir les objectifs pour les comparer avec ceux de la Lolf. Est-ce qu’on n’aurait pas, par hasard, des contradictions intéressantes ? 5 % de baisse de la délinquance (plus ou moins sic), est-ce dans la Lolf ? Est-ce le même chiffre ? Pourrait on avoir un ministre qui fait « bien » avec une administration qui fait « mal », ou vice versa ? Et quand apparaissent des chiffres qui n’étaient pas dans la Lolf, ils feront quoi, les directeurs d’administration ?

N.M.

Si les boites privées peuvent juger les ministres, pourquoi s’encombrer d’un gouvernement ? Il suffit de confier les affaires de la France à la boite de gestion la mieux disante. On évitera les élections, les partis, les campagnes électorales et toutes ces choses qui coûtent fort cher et mettent la zizanie dans le pays.

Alfred Dittgen