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Paris se réveille ?

Les médias nous ont annoncé à la mi-janvier 2005 les résultats du premier « recensement rénové » de la population, effectué début 2004, que l’Insee appelle aussi « enquête de recensement », car l’opération, dans les communes de plus de 10 000 habitants, est un sondage portant sur environ 8 % des logements. Pour Paris, le résultat est de 2 143 000 personnes, chiffre à comparer à celui obtenu par le dernier recensement classique de 1999, 2 126 000, soit donc 17 000 personnes de plus. Cette faible variation, + 0,8 %, est néanmoins très remarquable, car c’est la première fois depuis un demi- siècle que ce chiffre est en augmentation. En effet, celui-ci n’a fait que décroître depuis 1954, où il était de 2 849 000.

Mais cette augmentation correspond-elle à une réalité ? Laurent Fary, porte-parole de Bertrand Delanoë, en est convaincu : « C’est la même chose qu’un sondage. Un chiffre tout à fait fiable » (20 Minutes du 17 janvier 2005). Propos contradictoire, puisqu’un sondage comporte une marge d’erreur par nature. Cela étant, cette erreur est d’autant plus faible que l’échantillon est grand. Or, à Paris, cet échantillon comporte plus de 100 000 logements (1 300 000 au total x 8 %), ce qui est beaucoup. Elle ne devrait donc pas être très grande.

En revanche on peut craindre une autre erreur. Celle-ci concerne les omissions ou plus précisément la variation du taux d’omission. Un recensement laisse toujours échapper des ménages. Après le recensement de 1990, l’avant-dernier recensement classique, on a estimé grâce à une enquête ad hoc, qu’il y avait eu 1 % d’omissions nettes (omissions moins doubles comptes). Le dernier recensement classique, celui de 1999, n’a pas bénéficié de ce type d’enquête, mais différents recoupements de chiffres permettent d’évaluer ses omissions à 2 %, soit donc un point d’omission de plus. Ces omissions existent inévitablement dans l’ « enquête de recensement ». Mais on peut penser qu’elles sont moindres, d’une part, parce que les agents recenseurs moins nombreux peuvent être mieux contrôlés et, d’autre part, parce que leur sont affectées des adresses précises à recenser au lieu de la totalité d’un îlot ou d’un quartier dans le recensement classique. Il n’y aurait donc rien d’étonnant à ce que le taux d’omission de 2004 soit retombé à celui de 1990, voire soit moindre que celui-ci. Or, une baisse de ce taux d’un point conduit, à Paris, à une augmentation 21 000 personnes. Dans cette hypothèse, la population de Paris, non seulement n’aurait pas augmenté, mais diminué !

Cela étant, la population officielle de Paris, ce que l’on appelle la population légale, sera sûrement créditée des 17 000 personnes, vraies ou fausses, supplémentaires. Tant mieux pour la municipalité et les Parisiens, puisque ce chiffre détermine la « dotation globale de fonctionnement », ce que l’État verse à la ville. Quant à la population réelle… ?

Alfred Dittgen


Pénombre, Mars 2005