En novembre 1996, la municipalité de Nice organisait un référendum sur ses arrêtés de relégation à l’égard (si l’on ose dire…) des SDF. Nice-Matin (25 novembre 1996) rendait compte des résultats de cette consultation au moyen d’histogrammes présentant sur le même plan et avec la même échelle le pourcentage d’abstentions (calculé sur les inscrits) et les pourcentages des votes « oui » et « non », calculés eux, sur les suffrages exprimés (figure 1).
L’impression visuelle évidente était celle d’un taux de « oui » comparable à celui des abstentions, alors que la réalité était tout autre : les colonnes de « oui » et « non », pour être comparables à celle des abstentions, devraient être données en pourcentage des inscrits, soit multipliées par le pourcentage des exprimés. On aboutirait ainsi à la figure 2, assez différente…
Avec ou sans opinion
Pour autant, une présentation graphique correcte de résultats semblables peut cependant donner lieu à des conclusions parfaitement abusives. Ainsi, en cette même période, Le Monde (19 novembre 1996) rapportait un sondage SOFRES sur l’opinion des Français quant à l’enseignement. La figure 3 illustrait les taux de satisfaction de l’opinion suivant le niveau du système éducatif concerné.
Le Monde commentait : « À mesure que l’on avance dans le système scolaire, le degré d’insatisfaction et de défiance s’accroît […]. À 80%, les Français plébiscitent l’école maternelle […]. Mais le collège […] recueille tout juste la moyenne (50% d’opinions favorables) […]. L’enseignement supérieur ne recueille que 39% d’opinions favorables. » En réalité, il y a là un effet illusoire dû à la seule croissance des sans opinion avec le niveau considéré, parfaitement compréhensible au demeurant : l’expérience de la maternelle (« plébiscitée », selon Le Monde) est évidemment plus commune que celle de l’université (« critiquée »…). Il suffit de calculer les pourcentages d’opinions favorables et défavorables sur les opinions effectivement exprimées, pour obtenir un résultat assez différent, puisque les satisfaits restent majoritaires (figure 4) et que leur proportion, dans l’enseignement secondaire et supérieur en tout cas, varie finalement assez peu.
J.-M. Lévy-Leblond, physicien
Université de Nice
Pénombre, juin 1997