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Un décès est un décès, mais...

Un décès est un décès, c’est la fin de ce que nous avons de plus précieux, la vie. Le fait que les décédés de la canicule aient été âgés et souvent malades ne fait rien à l’affaire, comme le savent ceux qui ont fait l’expérience de la perte de leurs vieux parents. Sans compter que beaucoup de ces personnes ont disparu dans des conditions dramatiques pour elles et pour leurs proches.

Ceci pour dire que les calculs qui suivent n’ont pas pour effet de minimiser cette catastrophe, mais simplement de montrer que si un décès est toujours prématuré, il l’est évidemment beaucoup plus s’il s’agit d’un adulte, encore plus s’il s’agit d’un jeune, que d’une personne âgée.

Le nombre de décès dus à la canicule a été estimé par l’Institut national de veille sanitaire (InVS) à 11 435 pour les quinze premiers jours d’août. Ce chiffre est de plus de 50 % de plus que “ d’habitude ” (représenté par la moyenne des décès des trois années précédentes). Au total, d’après le rapport ultérieur de l’INSERM, cette vague de chaleur aurait été responsable de 14 800 morts.

Quel sera l’impact de ces 14 800 morts de plus sur l’espérance de vie à la naissance en 2003, indice dont la valeur était un peu supérieure à 79 ans en 2002 (1) ? En tenant compte de la répartition par âge des décès en question fournie par le rapport de l’InVS, on aboutit à une diminution d’un quart d’année. Mais, comme une partie vraisemblablement non négligeable des personnes mortes de la canicule auraient succombé avant la fin de l’année, la baisse d’espérance de vie devrait être bien plus faible. Comme par ailleurs, la tendance actuelle de cet indice est d’augmenter d’un dixième d’année par an, il est probable que sa baisse sera à peine perceptible.

Supposons maintenant une catastrophe qui conduirait de même à 14 800 décès supplémentaires, mais répartis indifféremment à tous les âges, donc comme les effectifs par âge de la population. Dans ce cas-là, la baisse d’espérance de vie serait de plus de 8 dixièmes d’année, donc très sensible. Elle serait encore plus sensible, une baisse de plus de 1,5 an, si cette mortalité ne touchait que les jeunes enfants.

Encore une fois, un décès est un décès, mais il n’est pas sérieux de parler à propos des personnes mortes à la suite de la canicule de cet été d’une “ petite ville rayée de la carte ” ou de les comparer aux victimes du Word Trade Center.

Toutes les morts méritent la même compassion, mais toutes n’ont pas les mêmes conséquences démographiques.

Alfred Dittgen

 
Pénombre, Décembre 2003