« La Commission des comptes de la Sécurité sociale annonçait début mai un déficit record de 10,2 milliards d’euros du régime général de la Sécurité sociale depuis 1995 (toutes branches confondues), en raison d’un trou « historique » de 11,1 milliards de la branche maladie. Le ministre de la Santé et de la Protection sociale a, quant à lui, déjà indiqué que le déficit atteindrait, en 2004, 14 milliards d’euros pour le régime général dans son ensemble et 12,9 milliards pour la seule branche maladie. » (les journaux).
Une recherche rapide sur l’internet des différents « trous historiques » nous montre que ce n’est pas le premier mais qu’ils ne sont pas si fréquents.
Ainsi, en 1999, l’Humanité écrivait à propos du Crédit Lyonnais : « Depuis longtemps, ils (les syndicats) font, logiquement, valoir leur point de vue sur la gestion de leur banque, sur les 10 000 emplois supprimés en cinq ans par Jean Peyrelevade pour combler le trou historique de 100 milliards de francs (15 milliards d’euros), creusé au fil des aventures douteuses qui ont marqué la banque dans les années 1980. »
En avril 2003, la Newsletter de 3ie.org nous informait que France Télécom devrait annoncer une nouvelle perte nette record pour l’exercice 2002, comprise entre 17 et 19 milliards d’euros, après un premier trou historique de 8,2 milliards d’euros, en 2001, mais assortie de résultats opérationnels et d’un niveau d’endettement meilleurs que prévus ».
Et, plus récemment (mars 2004), Jean-Yves Hollinger évoquait sur RTL « un bénéfice record pour Gaz de France : 910 millions d’euros en 2003, en hausse de 9 %, tandis que Vivendi Universal réduit ses pertes : un milliard d’euros l’an passé, après le trou historique de 23 milliards en 2002 ».
Ainsi, le trou de la Sécu ne bat pas (encore) les records et s’inscrit dans la bonne moyenne des « trous historiques ».
Mais il y a un autre « trou historique » dont fait état l’Académie de Versailles (http://www.ac-versailles.fr/pedagogi/lettres/queneau/queneau.htm) dans ses pages sur R. Queneau et à propos de l’organisation des 21 chapitres de ses Fleurs bleues en cinq périodes de quatre chapitres chacune, plus un énigmatique vingt-et-unième chapitre, avec un « Appel aux mathématiciens » reproduit ci-après.
« Combien de nombres entiers n inférieurs à 175 y a-t-il qui ont pour propriété, additionnés à un nombre entier m terminé par 4 ou plus généralement à un nombre pair, ou plus généralement à un nombre entier quelconque, d’aboutir au résultat suivant :
P1 : m + n = un nombre premier
P2 : m + 3 n = un nombre premier
« Pour l’instant, je n’ai pu que faire la constatation suivante :
- pour m = 1, on a n = 2, 4, 6, 10, 12, 22, 42, 46, 52, 60, 66, etc., c’est-à-dire tous les nombres premiers - 1 (en éliminant parmi ces nombres premiers le 2 et tous ceux qui se terminent par 9, puisque 9 - 1 = 8 qui multiplié par 3 donne un chiffre 4 aux unités, et donc un nombre divisible par 5 en y ajoutant 1) ;
- pour m = 2, on a n = 1, 3, 5, 7, 9, 13, 15, 17, 19, 23, 27, 29, 33, 35, 37 autrement tous les nombres impairs jusqu’à 37 sauf ceux, supérieurs à 1, qui ont 1 à l’unité (1x 3 = 3 ; 3 + 2 = 5). Après, on a n = 43, 45, 49, les trous s’expliquant par la divisibilité de (3 n + 2 ) par 7, 19 etc. ;
- pour m = 3 et tous les nombres multiples de 3, il n’y a pas de n puisque 3 + 3 n = 3 (1+n) ;
- pour m = 4, on a n = 1, 3, 9, 19, 23, 25, soit les mêmes conditions que pour 2, sauf que n ne peut pas être terminé par 7 (3 n + 4 est dans ce cas toujours terminé par 5), ce qui est vrai pour tout m ayant le chiffre 4 à l’unité ;
- ....
- pour m = 1 264, on a n = 13, 39, 55, 61, 135, 159, 163, 165, 175. Parmi cette dernière série de nombres n, seuls 55, 135, 165 et 175 ont la propriété, pour des raisons évidentes (2 x 5 = 10) de faire revenir deux nombres terminés par le même chiffre : 1 264 + 2 n = 1 614 ; 1 264 + 4 n = 1 964, ce qui était dans tous les cas, semble-t-il, le but recherché par Queneau, qui est comblé par le fait que les nombres de départ et d’arrivée ont leurs deux derniers chiffres communs (d’où l’"épatant !").
« Anne-Marie Jaton (professeur de littérature française à l’Université de Pise et auteure de « Lectures des fleurs bleues », Ndlr) pratique plutôt l’addition que la multiplication. La date initiale du roman (1264) est ainsi équivalente à la date initiale de la vie de Queneau (1903) : 1 + 2 + 6 + 4 = 1 + 9 + 0 + 3 = 13, ce qui est également le résultat du trou historique de 175 ans qui sépare les époques : 1 + 7 + 5 = 13. Elle s’appuie sur le principe du jeu de tarot selon lequel tout nombre supérieur à 21 se réduit à la somme de ses chiffres. »
Partir du trou historique pour revenir à Queneau, voilà qui est plaisant. DOUKIPOMTAN (de fric) ? aurait certainement dit Zazie à Douste…
Daniel Cote-Colisson
Pénombre, Novembre 2004