Le 4 octobre 2001, au journal de 20h, on rend compte d’une enquête sur les violences envers les femmes, dont les résultats viennent d’être remis à la ministre du Droit des femmes. On nous dit que, l’an dernier, 450 000 femmes ont été l’objet de violences physiques, tandis que seulement 7 000 ont été portées au tribunal. 450 000, c’est beaucoup et 7 000 en comparaison, c’est bien peu. Mais, quand même, je m’interroge.
Il n’y a pas si longtemps, l’Institut des hautes études de la sécurité intérieure avait rapproché les résultats d’une enquête de l’Insee auprès de la population et la statistique des faits traités par la police. Il en concluait que, pour certaines délinquances, le rapport était de 1 à 10, voire de 1 à 20. Pénombre s’était indigné de ce rapprochement, expliquant qu’on ne peut comparer les résultats d’une enquête " de victimisation " aux statistiques pénales, que les raisons de divergence sont multiples, qu’il ne faut en déduire ni que la justice marche mal ni que la " vraie " délinquance serait à ce point supérieure à ce que voient la police et les tribunaux. La comparaison qui nous est proposée maintenant n’appelle-t-elle pas les mêmes critiques ?
D’autant que les victimes déclarées pour une année sont probablement (faut-il dire hélas ?) plus ou moins les mêmes d’une année sur l’autre. Autrement dit, dans la mesure où l’enquête repère quelque chose de comparable, ce qu’elle mesure serait un " stock " : on ne peut le comparer directement à l’activité des tribunaux, qui est un " flux ".
Et puis, surtout, que nous invite-t-on à conclure ? Certes, beaucoup de ces violences sont cachées, tues par les victimes elles-mêmes. Et l’on peut souhaiter que cette chape de silence, de détresse sans recours, soit levée. Mais enfin ! si recours il doit y avoir, faut-il que ce soit par la seule voie de la punition judiciaire ? Ce rapprochement fruste de chiffres ne nous invite-t-il pas à considérer qu’un problème social ne peut être réglé que par le juge ?
Mélanie Leclair
Pénombre, Janvier 2002