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Vive le bac et ses correcteurs !

Annonce du 8 mars aux États-Unis par le College Board : environ 4 000 étudiants (sur 495 000) ont une note sous-évaluée au SAT du mois d’octobre. Mais qu’est-ce que le SAT ? Créé en 1901 ( !!!), sous le nom de Scholastic Achievement Test, géré par une institution privée, le College Board, devenu en 1941 le Scholastic Aptitude Test, en 1990 le Scholastic Assessment Test, puis en 1994 le rien du tout, puisque ce n’est plus, officiellement, un acronyme, c’est un test organisé sept fois par an dans tous les États-Unis (le premier samedi d’un mois). Il consiste en deux parties :
 - un test de raisonnement (3h 45mn) avec 3 parties : mathématiques, lecture critique, écriture. La note maximale est de 2 400. Il comprend en plus, hors notation, une quatrième partie destinée à tester et étalonner les questions.
 - un test par QCM sur des sujets choisis par l’élève. Il y a 20 sujets, l’étudiant peut passer jusqu’à 3 sujets le même jour ainsi que le test de raisonnement.

La justification principale du SAT est de pouvoir disposer d’un test standardisé permettant la comparaison de tous les élèves états-uniens qui proviennent de systèmes scolaires très variés. En effet, l’éducation n’est ni une compétence fédérale, ni des États ; elle est organisée au niveau de districts scolaires (13 500) qui ne coïncident pas nécessairement avec d’autres frontières administratives. Chaque district est administré par un board élu.

Comment donc sélectionner les candidats à l’entrée des universités ? C’est le rôle du SAT. Accessoirement, depuis 1979 fonctionne une espèce de concours général qui sélectionne chaque année 141 presidential scholars sur la base des résultats du SAT d’octobre. Son rôle s’est encore accru avec la loi « No child left behind » de 2002 qui accentue le rôle d’un test standardisé pour que « chacun ait sa chance ». C’est une filiale du groupe Pearson qui a décroché en 2003 le marché de la numérisation (et donc de la correction automatisée) des questionnaires. Elle a fait passer 40 millions de tests en 2005. Elle avait acquis une expérience dans le domaine en étant l’opérateur du programme de tests standardisés mis en place au Texas lorsque George W. Bush en était gouverneur.

Le College Board a donc fait, le 8 mars, une petite annonce discrète signalant l’erreur concernant 4 000 questionnaires du SAT d’octobre et indiquant que les intéressés seraient contactés directement. L’affaire agite les États-Unis car la période de sélection à l’entrée des universités est en train de s’achever. Au fur et à mesure de la divulgation des informations, il apparaît :
 - que la découverte de l’erreur résulte de plaintes d’étudiants,
 - que l’erreur est systématiquement une sous-estimation de la note,
 - qui peut aller jusqu’à 400 points sur un total de 2 400 (mais « 83% des erreurs sont comprises entre 10 et 40 points »),
 - que ce n’est pas la première fois qu’il y a des problèmes dans le processus de notation (8 000 tests dans le Minnesota en 2002, problème conclu par un arrangement judiciaire).

Enfin, après des explications peu claires, il ressort que le problème trouve son origine dans l’humidité excessive de la ville d’Austin au Texas où les questionnaires avaient été traités. En effet, l’humidité a dilaté le papier des questionnaires faisant perdre ses repères au processus de numérisation qui ne pouvait plus identifier les bonnes réponses. C’est, à ce jour, l’explication officielle !

Toute la deuxième quinzaine du mois de mars se sont succédé des révélations quotidiennes sur les dysfonctionnements du processus de passation du SAT (du genre : à New York, certains élèves ont eu en questionnaire blanc des questions qui se sont retrouvées dans le vrai questionnaire). Un journaliste va même jusqu’à écrire : « on a l’impression que le College Board a recruté le comptable d’Enron comme chargé de communication. » Deux mois plus tard, les conclusions (provisoires) sont diverses :
 - Il est nécessaire d’améliorer le système de contrôle qualité (les sociétés « examinatrices », qui ont déjà fait ce genre de déclarations à l’occasion des erreurs précédentes).
 - Plusieurs actions collectives ont été entamées pour rechercher la responsabilité (et les indemnités) des sociétés responsables des tests (on est aux États-Unis !).
 - Il serait souhaitable d’organiser un audit indépendant de tout le processus de test. Les États envisagent la mise en place d’un organisme de supervision (financé par une taxe de un dollar sur chaque test).
 - « La nourriture pour animaux de compagnie est mieux contrôlée que les tests que subissent nos enfants. »
 - Peut-on encore avoir confiance dans le système de tests ?

Alors, vu de ce côté-ci de l’Atlantique, au choix :
 - Vive le baccalauréat et ses 140 000 correcteurs !
 - Vive la décentralisation et le libéralisme !

François Sermier

 

Pénombre, Juillet 2006