L’adoption du projet de loi sur l’adoption était-elle bien adaptée ?
La proposition de loi Mattéi relative à l’adoption a été votée en première lecture par l’Assemblée nationale le 16 janvier 1996. La presse quasi unanime a salué cette réforme en la présentant comme devant faciliter l’adoption, la principale mesure consistant à diminuer les conditions d’âge (28 ans au lieu de 30 ans) et de mariage (deux ans au lieu de cinq actuellement) des postulants. Les chaînes de télévision ont interviewé des couples en attente d’un enfant adoptable depuis de longues années, auxquels la loi était présentée comme une lueur d’espoir.
Tous les articles lus et les reportages visionnés ont fait le même rapprochement entre ces deux éléments pourtant parfaitement contradictoires. Le professeur Mattéi soulignait lui-même qu’il y avait environ 14000 couples agréés pour 4000 enfants adoptables, dont 1300 seulement seront finalement adoptés, les 2700 autres étant des enfants dits « à particularités », trop âgés, malades, handicapés, de couleur ou encore appartenant à une famille nombreuse.
Le paradoxe de cette loi est donc d’élargir les possibilités d’agrément de parents candidats à l’adoption sans diminuer les difficultés touchant à « l’adoptabilité » des enfants en France1. Augmentation de la demande et stabilité de l’offre sur le marché de l’adoption, cela signifie concrètement que les listes d’attente vont s’allonger et la frustration des familles empirer, tandis que les enfants « à particularités » resteront dans les foyers et les familles d’accueil temporaire.
Jean-Paul Jean
1. C’est dans le domaine de l’adoption internationale que la loi essaye d’instaurer des garanties et cela est opportun puisque, du fait de la difficulté d’adopter un enfant en France, la pression sur l’adoption à l’étranger ne peut que s’accentuer.
Pénombre, Avril 1996