Dans 80 % des cas, la surmortalité concerne des personnes âgées (considérons les 60 ans ou plus), soit environ 9 000 personnes. Parmi elles, environ la moitié (soit 4 500) était en établissement d’accueil pour personnes âgées dépendantes (maisons de retraite) et l’autre moitié était à domicile (le rapport de l’INSERM n’en dénombre que 2 640, mais ne tient pas compte de celles transférées in extremis à l’hôpital).
Je ne sais pas combien de personnes ont “ souffert ” de la canicule, mais selon un sondage personnel, la quasi-totalité de mes proches répond par l’affirmative. En faisant une transposition nationale, on devrait arriver à 50 ou 60 millions. Je me demande ainsi combien de personnes ont été aidées ou secourues par l’intervention de services professionnels ou familiaux (j’ai en effet pour ma part, et non sans une certaine fierté, sauvé mes enfants en leur donnant à boire et en leur offrant des bobs).
Par ailleurs, il y a en France environ 7 500 établissements d’accueil pour personnes âgées dépendantes. La plupart des quelques 500 000 personnes prises en charge sont qualifiées de très dépendantes. Et, l’espérance de vie dans ces établissements est de 2 à 3 ans. Aussi, chaque année, environ 200 000 personnes prises en charge décèdent (soit dans l’établissement même, mais en majorité à l’hôpital). Cela fait environ 8 000 pour une quinzaine moyenne. Je n’ai pas d’information sur une éventuelle variation saisonnière de la mortalité dans les établissements. 4 500 de plus en auraient entraîné au total 12 à 13 000.
Autrement dit, dans un établissement moyen, on aurait, en moyenne aussi, un décès par quinzaine : c’est à dire souvent zéro mais parfois 2 ou 3 aussi bien. L’excédent de la première quinzaine d’août représente 0,5 décès supplémentaire. C’est-à-dire, un peu moins fréquemment zéro et un peu plus souvent deux ou trois… C’était donc, pour la plupart des établissements un phénomène bien difficile à déceler.
Comment alors a-t-on pu donner dès la fin août, soit quelques jours après la fin de l’épisode caniculaire, une estimation de la surmortalité en établissement ? À moins que le nombre de personnes décédées se soit concentré dans quelques établissements situés à proximité (médiatique) de certains centres urbains.
Pour la surmortalité à domicile (là encore, comme en établissement, la surmortalité a été spécialement importante dans quelques départements, en Île-de-France et dans la région Centre), que pouvait-on faire pour sauver 4 500 personnes âgées ? En effet, la plupart vivaient seules, mais toutes n’étaient pas isolées. Combien d’entre elles ont refusé une aide extérieure ou n’ont pas pris conscience du danger qu’elles couraient ?
James Kuperminc
Pénombre, Décembre 2003