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Un été particulier

Ainsi donc, dans la torpeur de l’été, au moment où la Mairie de Paris et les médias se félicitent du succès “ considérable ” (sic) de l’opération Paris–Plage, touristes et Parisiens s’exposant en pleine canicule, la France découvre, d’abord incrédule puis consternée, que l’été est meurtrier pour les personnes âgées et handicapées.

Elle avait en effet déjà oublié, malgré l’été 1976, que, parmi les facteurs de l’exceptionnelle longévité des Français, il y a le bénéfice d’un climat tempéré.

Aussitôt, le Gouvernement est mis en cause, la polémique enfle et débouche sur l’une des plus belles crises politiques estivales. Cette crise suscite un certain nombre d’interrogations pour les professionnels que nous sommes : d’abord concernant le chiffrage de la surmortalité puis bien sûr et surtout la question de fond : pouvait-on les sauver avec des moyens supplémentaires ?
 
 
La polémique du chiffrage


1 600, 3 000, 5 000, 10 000, 13 000 morts... Cha- que jour de cette deuxième semaine d’août les médias annoncent des chiffres de surmortalité qui font frémir. Les estimations proviennent... des pompes funèbres !

La citoyenne ordinaire que je suis n’a toujours pas compris pourquoi, dans un pays sur-administré comme la France, ayant des services d’état-civil organisés depuis plus de deux cents ans, il est impossible de connaître le nombre de morts en temps réel par des sources officielles. Comme beaucoup de mes concitoyens, j’ai découvert qu’il existe un Institut de veille sanitaire, fort de 350 salariés (!!!), qui veille sur notre santé mais uniquement ... sur les risques identifiés et répertoriés... Consternation !
 
 
La visite du Premier ministre en Côte-d’Or

Au plus fort de la polémique, le Premier ministre, accompagné du secrétaire d’État aux Personnes âgées, est venu en Côte-d’Or visiter une maison de retraite associative qui accueille des personnes très dépendantes et rencontrer les professionnels du soutien à domicile.

Ils ont tous dit que l’été 2003 était particulier par l’ampleur et la durée de la canicule, mais qu’il n’était pas plus difficile que les autres étés. Ils ont rappelé aussi qu’au delà des moyens, il fallait gérer la pénurie de professionnels, pénurie d’aides à domicile, pénurie d’infirmières et de médecins notamment en zone rurale et que c’était leur lot quotidien. On ne forme pas infirmières et médecins en quelques mois et le secteur de la gérontologie est moins recherché et valorisant que les autres secteurs de la santé. En la matière, les politiques qui avaient en charge la formation des professionnels de santé, peuvent tous se considérer comme responsables de cette pénurie constatée de longue date.
 
 
Une forte mortalité en établissements

Selon les informations diffusées par la presse pendant cette décade infernale, la moitié des personnes décédées résidaient en établissements dans lesquels elles auraient manqué de soins faute de moyens. Si tel est le cas, les statistiques devraient alors montrer que là où les moyens existent, c’est-à-dire où les ratios de personnels sont conformes à ceux officiellement préconisés (“ Mission Marthe ”), la mortalité est la plus faible.

Si j’en juge par la Côte-d’Or, cette affirmation est inexacte : l’établissement qui affiche un taux de mortalité nettement supérieur à celui de la même période en 2002 (15 décès contre 1 l’an dernier) est aussi celui qui dispose de moyens humains et matériels supérieurs aux ratios idéaux à dire d’expert ! Il est vrai aussi qu’il affiche le taux d’incapacité des personnes hébergées le plus élevé. Sans nier l’insuffisance de personnels des établissements, il apparaît nettement que le taux de mortalité est à rapprocher d’abord de cet indicateur de l’état de santé des pensionnaires.

Dans l’établissement que le Premier ministre a visité, il y a habituellement, en moyenne, 8 décès au premier semestre. Cette année, il n’y avait eu aucun décès au ler semestre ; mais 5 entre le ler juillet et le 15 août, tous comptabilisés dans la surmortalité. Celle-ci aurait-elle simplement compensé la sous-mortalité des mois précédents ? Il conviendra manifestement d’observer cette surmortalité sur l’année entière.

Jocelyne Wrobel

 

 

Pénombre, Décembre 2003