M. Pascal Penaud nous envoie un article du New-York Times (« Deep Voice May Offer Genetic Edge » by Nicholas Bakakar) repris dans la sélection de ce quotidien du supplément du Monde du 8 décembre 2007. Dans ce papier il est dit que les hommes à voix grave semblent plus prolifiques que ceux à la voix fluette. P. Penaud s’étonne que Le Monde reprenne cet article dont le sérieux laisse à désirer.
En effet cette conclusion résulte d’une étude sur une petite population africaine de chasseurs-cueilleurs et plus précisément sur 49 (!) hommes dont les chercheurs ont enregistré la voix et l’histoire génésique. De plus, cette conclusion n’a rien d’universel, en particulier, ne serait pas valable dans nos sociétés où le choix du conjoint se fait sur des critères bien plus nombreux que la hauteur de voix. Ajoutons que pour les auteurs de l’étude cette sur prolificité des hommes à la voix mâle peut résulter d’un mariage plus précoce, de naissances plus rapprochées ou du fait … d’avoir plusieurs épouses. Faut-il être doctorant en anthropologie biologique à Harvard, comme le responsable de cette recherche, pour trouver que les hommes polygames ont des chances d’avoir plus d’enfants que les monogames ?
Caricature facile ? Voici l’article :
« Un homme avec une voix profonde peut avoir un avantage de survie, une meilleure chance de transmettre ses gènes. Des chercheurs ont trouvé que les hommes avec une voix profonde avaient plus d’enfants – à tout le moins chez les Hadza, un groupe de chasseurs-cueilleurs de Tanzanie. Selon une information parue dans un article de Biology Letters publié en ligne le 25 septembre 2007, la plupart des femmes dans les sociétés occidentales trouvent les hommes avec une voix grave plus attirants, les jugeant en meilleure santé et plus mâles. En même temps, les hommes trouvent les voix hautes plus émouvantes.
« Les facteurs de la reproduction sont difficiles à mettre en évidence dans une société qui utilise les méthodes modernes de contraception. Les Hadza n’utilisent pas la contraception et choisissent leurs épouses dans leur société ; de ce fait ils sont ce que les chercheurs appellent une « population à fécon¬dité naturelle », dans laquelle on peut donc tester les hypothèses sur les chances de reproduction. Des chercheurs ont collecté des enregistrements de voix et des histoires reproductives de 49 hommes et 52 femmes pour voir si la hauteur de la voix a une incidence sur le nombre d’enfants. Après neutra¬lisation de l’âge, la hauteur de voix apparaît comme un facteur important du nombre d’enfants : les hommes avec les voix les plus graves ont sensi¬blement plus de rejetons. Les chercheurs estiment que la qualité de la voix compterait pour 42 % de la variance du nombre d’enfants des hommes. La qualité de la voix des femmes, par contre, n’est pas en relation avec leur nombre d’enfants.
« Les raisons pour qu’une voix grave donne plus de chances à un homme d’avoir des enfants ne sont pas claires, mais les chercheurs avancent différentes hypothèses. Les hommes à voix grave pourraient avoir plusieurs femmes ou des intervalles plus courts entre naissances ; peut-être aussi commencent-ils à se reproduire plus jeunes. Coren Apilla, la directrice de l’étude doctorante en anthropologie biologique à Harvard, dit que les résultats "ne peuvent pas être transposés dans notre société en vue d’améliorer la reproduction", car nous sommes attentifs à plusieurs traits de caractères pour choisir notre conjoint. »
(commentaires et traduction d’Alfred Dittgen)
Ndlr : la place nous manque ici pour approfondir le sujet. Au-delà de quelques certitudes (par exemple à propos des castrats) le débat scientifique est animé. La rédaction a missionné son envoyé spécial, François Sermier, pour un reportage à paraître. Il faudra vous attendre à un peu d’ironie méthodologique et quelques graphiques.