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Devinette crimino-migratoire

Dans le but de déterminer si la proportion de détenus suisses à l’étranger est plus importante ou plus faible que la proportion de détenus étrangers en Suisse, voici deux démarches possibles :


Considérant que :

  • Il y a quelque 160 détenus suisses à l’étranger.
  • Il y a environ 6,4 millions de Suisses dans le monde.
  • Il y a quelque 3 400 détenus étrangers en Suisse.
  • Il y a environ 6 milliards d’étrangers dans le monde.

Par ces motifs :

  • 6,4 millions de Suisses engendrent 160 détenus à l’étranger, soit 2,5 pour 100 000 Suisses.
  • 6 milliards d’étrangers engendrent 3 400 détenus en Suisse, soit 0,057 pour 100 000 étrangers.
  • Les Suisses sont donc proportionnellement bien plus criminogènes que les étrangers en Suisse, puisqu’ils présentent quelque 40 fois plus de risques d’être détenus à l’étranger que les étrangers en Suisse.
 

Considérant que :

  • Il y a quelque 160 détenus suisses à l’étranger.
  • Il y a environ 600 000 Suisses résidant à l’étranger.
  • Il y a quelque 3 400 détenus étrangers en Suisse.
  • Il y a environ 1,4 millions d’étrangers résidant en Suisse.

Par ces motifs :

  • 600 000 Suisses engendrent 160 détenus à l’étranger, soit 27 pour 100 000 Suisses.
  • 1,4 millions d’étrangers engendrent 3 400 détenus en Suisse, soit 243 pour 100 000 étrangers.
  • Les Suisses émigrés sont donc proportion-nellement moins criminogènes que les immigrés en Suisse, puisqu’ils représentent 9 fois moins de risques d’être détenus dans leur pays de résidence.

Mais laquelle de ces deux interprétations est la plus juste ?
 

Réponse

Aucune des deux manières d’interpréter la réalité des nombres présentées n’est meilleure que l’autre et les deux sont fâcheusement tendancieuses, car elles omettent de prendre en considération des éléments indispensables à la réalisation d’un calcul objectif, dont notamment :

- les caractéristiques socio-démographiques des populations étudiées ; il est en effet connu que les étrangers immigrant en Suisse sont plutôt des hommes économiquement défavorisés qui, de surcroît, sont en moyenne plus jeunes que la population suisse prise dans son ensemble ;

- la distinction entre étrangers résidant dans le pays et étrangers n’y étant que de passage ;

- la punitivité des différents systèmes pénaux et donc le degré de facilité avec lequel les juges usent de la privation de liberté dans les divers pays du monde ;

- la xénophobie ambiante dans les divers États.

André Kuhn, criminologue

 
Pénombre, Octobre 2002