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Editorial : Après la nuit

Si la lune et le soleil doutaient, ils s’éteindraient sur le champ.
William Blake

 

« Vous avez tous vu passer des nombres dans tous les sens pendant les campagnes électorales, les uns ou les autres, les unes et les autres vous avez été émus par un taux de croissance, révoltés par l’utilisation d’un diviseur, surpris par l’énormité d’une évaluation. Les chiffres vous ont interpellés, agressés ou simplement amusés.

« Nous vous avions invités tous à la chasse au chiffre. Vous les avez capturés, les uns en spécialistes, les autres en militants, en esthètes ou simplement en citoyens et ce soir nous vous proposons de partager le gibier. Certains ont préparé leur gibier –on n’a d’ailleurs pas manqué de chiffres faisandés. Ils nous serviront des petits plats, gentiment cuisinés. D’autres, et vous y êtes tous invités, videront leur gibecière en séance. Certains goûteront les plats, d’autres prendront leur pinceaux pour en peindre une nature morte. Nous nous découvrirons au fur et à mesure, chasseurs, cuisiniers, mais nous avons spécialement invité quelques critiques d’art et quelques gastronomes que nous consulterons, en connaisseurs qu’ils sont, au fil de la soirée… »

Ainsi furent accueillis les chasseurs par le maître de cérémonie, Jean-René Brunetière, le 27 septembre dernier, à la nuit tombante. Vous n’en étiez pas ? Remarquez, en un sens, cela vaut mieux : la salle, pourtant grande, était déjà pleine. Vous le regrettez ? Encore mieux, vous pourrez vous consoler en lisant la Lettre grise que les « cuisiniers » sont en train de mijoter, lentement et à petit feu, comme il se doit.

Après ce dixième anniversaire de Pénombre fêté en nombreuse et joyeuse compagnie, la chasse au chiffre continue. L’espèce n’est pas en voie de disparition, mais elle a besoin quand même de protection. Elle n’est pas nuisible, mais elle nécessite quelque surveillance. Entre ses inconditionnels défenseurs et ses fanatiques pourfendeurs, les pénombriens sont de plus en plus présents.

 
Pénombre, Octobre 2002