Les deux papiers du président du C.A. de Pénombre (n° 24, janvier 2001, pp. 1-4), qui mettent gravement en cause l’IHESI et l’INSEE, appellent les précisions suivantes. L’argument de l’auteur peut en effet se résumer ainsi : l’INSEE, organisme indépendant et seul organe crédible en matière d’interprétation de l’enquête de victimation de 1999 financée par l’IHESI, se serait laissé convaincre par un IHESI aux ordres (puisque sous la tutelle directe du ministère de l’Intérieur) de ne pas interpréter lui-même les données recueillies, ce qui aurait eu pour conséquence qu’on aurait pu leur faire dire n’importe quoi. Si cette hypothèse était avérée, ajoute le même, la preuve serait faite que "la caution scientifique de l’INSEE pourrait s’acheter".
L’INSEE répondra à cette offense s’il le souhaite. Pour ce qui concerne l’IHESI (dont je représente pour l’instant la direction des recherches), je souhaite apporter aux lecteurs de Pénombre les rectifications suivantes.
1 - le contrat entre les deux organismes stipulait que durant le temps d’une année suivant la livraison des données (été 1999), l’IHESI gardait le monopole de l’exploitation des résultats confiés à ses propres chercheurs. Après quoi, l’embargo étant levé, tout chercheur intéressé pouvait racheter le base à l’INSEE, et l’exploiter à sa guise (été 2000). Il se trouve d’ailleurs que le CESDIP, unité du CNRS sous la tutelle du ministère de la Justice auquel appartient l’auteur, s’est porté acquéreur de cette base, et que nous attendons avec impatience les résultats qu’il ne manquera pas de produire lui-même au moment opportun, pour compléter, voire infirmer les interprétations déjà dégagées par l’IHESI.
2 - il est vrai que les premiers résultats ont été "contés" par l’IHESI après le "compte" de l’INSEE. Je rappelle qu’on en trouve la trace d’une première mouture dans toutes les bonnes bibliothèques sous le titre "L’enquête de victimation INSEE-IHESI, première exploitation de l’enquête 1999", collection Etudes et Recherches, Paris, IHESI, 35 p., sous la plume de Patrick Peretti Watel, à l’époque de la parution professeur agrégé en sciences sociales et chercheur au laboratoire de sociologie quantitative CREST-INSEE. S’agissant de comparer les sources de données entre l’état 4001 et ladite enquête de victimation construite pour rapprocher les indicateurs, l’auteur conclut son rapport par les observations suivantes (p. 35) :
- l’enquête de victimisation est un outil imparfait de connaissance de la criminalité réelle, mais qui vaut mieux que l’outil statistique de la police, lequel ne traite que de la criminalité constatée ;
- la comparaison des deux sources n’est pas illégitime sur certains contentieux, tels les cambriolages ; elle est impossible sur d’autres, les ’injures" par exemple.
- les résultats doivent se lire avec prudence, et si l’on souhaite à l’avenir rendre plus compatibles les outils, il conviendra de réformer l’état 4001 pour y inclure les faits contraventionnels. (NDA : ce dont le ministère de l’Intérieur n’a jamais douté et ce sur quoi il planche aujourd’hui ; cf. état 4002).
Je signale en outre qu’un deuxième rapport, dont la substance est une comparaison beaucoup plus systématisée des résultats des deux sources sur un certain nombre de contentieux doit paraître incessamment dans la même collection, sous la plume de Jean-Paul Grémy. Il appartiendra au lectorat de Pénombre d’apprécier si ces deux universitaires sont des "conteurs", quand il aura jugé par lui-même le dossier sur pièce.
Quant à la chute du deuxième papier "Qui police les chiffres ?" (p. 4) au sujet des "manœuvres réussies pour éviter une démarche évaluative à l’égard de la police (et de la gendarmerie) souhaitée sans complaisance ni démagogie", je prierai son auteur de faire plus de lumière à ce sujet, car pour l’instant l’obscurité de son propos n’honore vraiment pas les justiciers de Pénombre. A moins qu’au total, derrière ces pages si laborieuses données comme des "étrennes", ne se dévoile une autre pitoyable science manœuvrière : attaquer par des méthodes journalistiques de caniveau ceux qui s’efforcent d’améliorer les diverses sources statistiques au sujet de la connaissance des délinquances, quand on n’a plus comme unique ressource que la défense du pré carré de son propre fond de commerce "scientifique" : l’interprétation des statistiques pénales… à n’importe quel prix, puisque chacun est apparemment invité à comprendre qu’il n’y faut pas toucher.
Je suis désolé de devoir en arriver à cette extrémité, mais face à la diffamation, il n’y a pas d’autre "droit de réponse" possible quand le diffamateur lui-même sait parfaitement à quoi s’en tenir sur ce qu’il feint d’ignorer, et se déconsidère si ouvertement par ses insinuations face à un lectorat dont il se moque éperdument.
Est-il besoin de préciser que dans ces conditions, cette revue ayant à mes yeux totalement perdu son âme, je m’en désabonne définitivement.
Frédéric OCQUETEAU,
Directeur des recherches à l’IHESI
Pénombre, Avril 2001