Une dépêche AFP du 28 août nous apprend qu’un chauffeur-routier belge, surpris en train de zigzaguer sur l’autoroute A31 sous l’empire d’un état alcoolique, a été condamné lundi par le tribunal correctionnel de Metz à huit jours de prison ferme, trois mois avec sursis et cinq ans de mise à l’épreuve. L’information est précise : la somme dont le chauffeur doit s’acquitter, 11 500 F, est également exprimée en euros (1 743) et le taux d’alcool dans le sang affiche deux décimales : 0,87 g. On nous parle ensuite de l’aveu du chauffard : 11 bières ingurgitées, dont deux boîtes dans le camion juste avant de prendre la route.
Si la sévère peine infligée au routier peut avoir un effet prophylactique, la mise en regard des 0,87 g. et des 11 bières est beaucoup moins heureuse en termes de prévention routière. Cette information est sans doute exacte, pour peu que la corpulence du chauffeur soit respectable (plausible), que les 9 autres bières bues avant de monter dans le camion aient été des demis (25 cl) plutôt que des boîtes (33 ou 50 cl), que la teneur en alcool n’ait excédé 4,5° (il est rare de consommer des bières light quand on en boit 11 de suite), que le rythme auquel il ait avalé les bières ait été très lent (peu probable) et que le délai entre l’interpellation et la prise de sang ait été très long. Même si l’ensemble de l’information est exacte, il aurait sans doute été plus judicieux de ne livrer qu’un seul de ces deux chiffres. Il suffit, pour s’en persuader, de lire le très court article du France Soir du 29 août, repris ici in extenso : "11 bières et puis s’en va. Un chauffeur-routier belge a été condamné hier par le tribunal de Metz à huit jours de prison ferme, et cinq ans de mise à l’épreuve pour conduite en état d’ivresse. Il avait été pris en train de zigzaguer sur l’autoroute avec 0,87 gramme d’alcool dans le sang. Il avait ingurgité 11 bières avant de partir.” À l’époque où la limite d’alcoolémie était à 0,8g., le repère de 3 verres (bonjour les dégâts aidant à fixer cette barre) était couramment envisagé comme seuil à partir duquel il fallait hésiter à prendre le volant. Avec cet article, le lecteur effectuant une règle de trois est tenté de croire qu’avec 6 verres, il atteindrait à peine 0,5g. Or on peut imaginer qu’à l’heure actuelle, le seuil raisonnable est perçu nettement inférieur. L’enquête ESPAD de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) et de l’INSERM nous renseigne sur les représentations de l’ivresse chez les collégiens et les lycéens. Plus de la moitié de ceux qui ont déjà été ivres considèrent qu’il leur faut moins de six verres pour atteindre cet état, sachant que l’ivresse est censée être un stade d’alcoolisation nettement plus élevé que le seuil à partir duquel il est déconseillé de prendre le volant. Est-il opportun de remettre en question ces représentations à l’heure ou le dépistage est sur le point de s’élargir à l’ensemble des substances psychoactives ? La précision, elle aussi, peut parfois nuire.
François Beck
Pénombre, Novembre 2000