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Etes-vous plutôt satisfait ou mécontent des sondages

C’est une question que je me pose... depuis et dès avant les élections présidentielle et législatives. durant la campagne électorale, j’avais réfléchi là-dessus. M’avait notamment passionné un sondage du CSA (l’institut de sondage, bien sûr...) paru dans Le Parisien/Aujourd’hui du 25 janvier 2002, et dont tous les autres médias et une bonne partie des candidats à l’élection présidentielle s’étaient emparés, présenté en première page de notre quotidien comme : « Présidentielle, les Français s’énervent », avec ces accroches : « 65 % d’entre eux veulent que Chirac et Jospin déclarent rapidement leur candidature », « 60 % ne souhaitent pas un duel Chirac-Jospin au second tour » et « 54 % ne sont pas satisfaits de la façon dont se déroule le débat ». Ce qui fait déjà apparaître ceci : si 65 % « des Français » (en réalité, des sondés) veulent une déclaration et 60 % ne veulent pas d’un duel des impétrants putatifs, on peut supposer qu’au moins 25 % des personnes qui espèrent leur candidature ne souhaitent pas leur élection...

La question concernant les candidatures était : « Souhaitez-vous que Jacques Chirac et Lionel Jospin déclarent leur candidature et exposent leur projet
 - le plus tôt possible ?
 - d’ici à un mois ?
 - le plus tard possible ? »

Ma question sur cette question est : combien de personne ayant répondu « le plus tôt possible » souhaitaient seulement la candidature de M. Jospin OU de M. Chirac, voire seulement l’exposé de leur projet ? En tout cas au moins 25 % des sondés... Malgré l’exposé de première page, on ne peut conclure de cette réponse que « 65 % [des Français] veulent que Chirac et Jospin déclarent rapidement leur candidature », mais que 65 % des personnes ayant répondu (le « taux d’abstention » sur les sondages d’opinion atteignant souvent le score du premier tour de la présidentielle 2002) veulent, soit que Chirac, soit que Jospin, soit que les deux se déclarent, soit que l’un, l’autre ou les deux exposent leur projet.

Les résultats de la présidentielle laisseraient accroire que nombre de ces 65 % voulaient surtout connaître leur projet.

Deuxième affirmation de « une », deuxième question, deuxième aporie. La question : « Au second tour, souhaitez-vous un duel entre Jacques Chirac et Lionel Jospin ou un duel entre l’un de ces deux candidats et un « troisième homme ? »

Pour rappel, la proposition de première page était : « 60 % ne souhaitent pas un duel Chirac-Jospin au second tour ».

Ce qui n’est pas la même chose : on peut « ne pas souhaiter » une chose, sans pour autant souhaiter qu’elle ne soit pas ; dans ce cas, le fait que 60 % des sondés souhaitent un « troisième homme » » n’induit pas obligatoirement que ces 60 % ne souhaitent pas une confrontation Chirac-Jospin : si 60 % des Français, disons, « préfèrent le beurre à la margarine », en déduira-t-on qu’ils n’aiment en aucun cas la margarine ?

Il y a bien sûr l’autre aporie, relevée, entre « la volonté » de 65 % des Français et « le non-souhait » de 60 % d’entre eux, aporie résolue en regardant, non « l’analyse » du Parisien, mais les questions même : on en peut déduire que 65 % « des Français » souhaitent avant tout savoir si oui ou non MM. Chirac et Jospin seront candidats, et que 60 % des dits, dont certains qui « veulent que », n’ont pas, ou probablement pas l’intention de voter pour l’un, l’autre ou les deux (ce qui se vérifiera, d’ailleurs).

Il est bon de savoir que « 54 % ne sont pas satisfaits de la façon dont se déroule le débat », alors que l’objet principal de ce sondage est de critiquer... l’absence de débat (considérant que ceux menés par les 17 candidats déclarés à l’époque, hem ! ne sont pas des débats). Ici comme pour les deux autres accroches de « une », il s’agit, pour le moins, d’une ré-interprétation de la question, laquelle était : « Le 21 avril prochain aura lieu le premier tour de l’élection présidentielle. Êtes-vous plutôt satisfait ou plutôt mécontent de la façon dont se déroule la campagne ? » (à remarquer qu’au 25 janvier 2002, on ne peut proprement parler de « la campagne », ni officielle, ni officieuse, plutôt d’une pré-campagne). Parmi les 54 % de « plutôt mécontents », quelle est la proportion de ceux mécontents du fait du « débat » ? On ne le saura jamais.

Sur cette question, 15 % des personnes ne se prononcent pas. Il y a une question subsidiaire : « Pour quelle raison n’êtes-vous pas satisfait ? », à laquelle répondent les mécontents. Le motif (imposé) qui vient en tête avec 71 % est : « Les vrais problèmes ne sont pas abordés », en revanche, « le débat » est remis à sa place - la troisième -, puisque seulement 25 % des 54 % de mécontents, soit 13,5 % des sondés, considèrent que « la non-candidature de Jacques Chirac et de Lionel Jospin empêche le débat », d’où l’on peut considérer que « le débat » n’est pas la première cause d’insatisfaction. Rions un peu : il y avait au 25 janvier 2002, 17 % de mécontents à considérer qu’« il n’y a pas assez de nouveaux candidats ».

Voilà je pense un exemple intéressant sur la manière dont le nombre a été traité dans le cadre des élections présidentielle et législatives de 2002.

Olivier Hammam

 
Pénombre, Avril 2003