Libération, le 5 mars 1997, avait publié quelques extraits du rapport annuel du Conseil supérieur de la magistrature avant même que celui-ci ne fût remis au Président de la République. Il y était dénoncé que le gouvernement était passé outre dans 46% des cas où le CSM avait formulé un avis négatif sur la proposition de nomination d’un magistrat du parquet.
Jacques Toubon, garde des sceaux, dans une interview au Figaro du 10 mars, affirmait qu’il s’agissait « d’une tempête dans un verre d’eau, car l’avis du CSM n’a pas été suivi dans un peu plus de 1% des cas ». Il précisait que sur la période considérée, du 1er juillet 1995 au 31 décembre 1996, le CSM « avait rendu 685 avis concernant des magistrats du parquet que 15 avaient été défavorables et que sur ces 15, il avait été passé outre 7 fois par le gouvernement. »
1% ou 46% ? Il a fallu attendre la fin avril pour que le rapport d’activité du CSM soit publié et pouvoir ainsi consulter le texte d’origine. Il y est écrit page 21 que pour 498 (et non 685) avis rendus sur la période, « le nombre des avis défavorables a été de 15, soit 3,01%. Le nombre de ces avis non suivis a été de 7 ». Le CSM ajoute : « Doit ici être relevé le fait que l’autorité de nomination est passée outre aux avis défavorables dans 46% des cas, ce qui traduit une rupture avec la pratique antérieure. Le Conseil s’interroge actuellement sur les raisons possibles d’une telle évolution et sur les conséquences qu’il lui appartient d’en tirer. Mais il lui apparaît d’ores et déjà que l’indépendance des magistrats du parquet, s’agissant de leur nomination, est imparfaitement assurée. »
Le message était particulièrement clair. S’agissant toutefois de sept cas sur quinze avis défavorables, le recours au pourcentage apparaît peu adapté et il convenait surtout de souligner qu’il s’agissait de postes parmi les plus importants du parquet pour lesquels le gouvernement, près d’une fois sur deux, a nommé un magistrat dont le CSM estimait qu’il ne devait pas l’être. Le débat réel portait non sur le chiffre partout repris de 46%, mais sur la question du pouvoir de nomination des magistrats du parquet pour lequel le CSM revendique une extension de ses prérogatives.
Lors de la cérémonie de remise du rapport, le Président de la République a déclaré aux membres du CSM « Au CSM revient la tâche de m’assister (sic) dans les domaines que constituent les nominations de magistrats…, pouvoir de nomination que je tiens de la Constitution. » Là aussi, dans ce débat feutré, le message en retour était clair.
J-P.J.
Pénombre, juin 1997