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« Gilets jaunes », du sérieux

Le Monde du 12 décembre présente – sur presque deux pages dans son édition papier – une enquête « pionnière » sur les « Gilets jaunes » qui va permettre de « comprendre la complexité » de « la révolte des revenus modestes ». « 70 universitaires mobilisés… sociologues, politistes et géographes » : on s’attend à du sérieux. Mais dès le premier paragraphe, surprise, on apprend que les résultats présentés ne se fondent que sur les réponses à 166 questionnaires, soit moins de trois répondants par universitaire mobilisé. Ce qui permet quand même de remplir les colonnes d’un tableur et, miracle, de faire des graphiques, de donner des pourcentages, avec un chiffre après la virgule ! Et de faire une comparaison avec la répartition des CSP de l’Insee. Ah ! oui, flûte, l’Insee n’indique que celle des actifs. Qu’à cela ne tienne, on enlève les inactifs des 166 interrogés. Ne restent que 124 personnes. Pas grave !

Dans les 28 questions posées, 13 portent sur le « profil sociodémographique des personnes mobilisées ». Qu’apprend-on ? « Les cadres sont sous représentés », les manifestant sont « d’âge moyen », le mouvement est « mixte » et se compose de plus de femmes et de retraités que les mouvements habituels, les revenus sont « modestes », les intéressés n’ont pratiquement jamais été syndiqués etc... Rien de bien nouveau pour celui qui a entendu les nombreuses interviews glanées par les médias.

Les autres questions portent sur « les motivations des participants, les réformes souhaitées, les modes d’action privilégiés et leur rapport au politique ». Au passage, on apprend que « seulement 2 des 166 personnes interrogées ont mentionné la gestion de l’immigration dans leurs réponses aux deux questions présentées ». Sans vergogne, les auteurs en déduisent que « cela invite à reconsidérer les analyses qui font du mouvement une émanation de l’extrême droite ». Un peu plus haut, on peut lire qu’un tiers des répondants se disent « ni de droite, ni de gauche ». N’allez surtout pas leur rappeler que c’est le slogan habituel de Marine Le Pen… 

Béatrice Beaufils et Alexandre Léchenet