" C’est le signe d’un esprit éduqué, que de se contenter du degré de précision que la nature du sujet admet et de ne pas rechercher l’exactitude lorsque seulement une approximation est possible."
Aristote, Éthique à Nicomaque
Les juges révisent à la hausse le coût total des voyages de Jacques Chirac titre Le Monde du 3 août 2001. Ainsi le désormais fameux pschitt présidentiel pourrait-il être repris pour signifier un gonflement de cette somme : ce n’est pas qu’elles dégonflent, c’est qu’elles enflent. Selon le journal, l’expertise établit à 3 126 947 francs la somme totale des versements en espèces liés aux voyages de Jacques Chirac et ses proches, alors que début juillet, ce total atteignait 2 839 189 francs. Les qualificatifs employés par le président de la République se retournent donc contre lui : toute exorbitante qu’elle fut, la somme n’en était pas moins inférieure à la réalité… abracadabrantesque.
Le profane s’inquiète souvent de la significativité d’une hausse entre deux chiffres. Cette question n’a pas lieu d’être ici puisqu’il s’agit d’un comptage exhaustif et non de l’estimation issue d’une inférence. On peut toutefois douter avec lui de l’intérêt d’une telle précision : la somme est de l’ordre de 3 millions de francs, voilà tout. Mais il faut rendre grâce au journal de nous livrer une information qui donne tout son sens à la hausse présentée (de l’ordre de 300 000 francs) : la réglementation en vigueur au début des années 1990 interdisait le règlement en espèces de sommes supérieures à 150 000 francs. L’augmentation représente donc une somme deux fois supérieure à ce montant, soit autant d’infractions potentielles à la législation fiscale qu’il appartient au juge de déterminer précisément. Sans être à un franc près, on peut s’avérer intéressé par le comptage exact des infractions commises.
Dans la même édition du journal, on apprend, selon les calculs du Vatican, que Jean Paul II a reçu 16 007 700 pèlerins depuis le début de son pontificat : les calculateurs de la cité papale sont d’une précision à faire pâlir les meilleurs compteurs…
François Beck
Pénombre, Janvier 2002