27 septembre 1996. Sont rendues publiques les statistiques du chômage du mois d’août. En « données corrigées des variations saisonnières », le nombre des demandeurs d’emploi a progressé de 39500. La France compte désormais 3085100 chômeurs, soit 5,3% de plus qu’il y a un an, 3418100 si l’on compte aussi ceux qui ont travaillé plus de 78 heures dans le mois. Les commentaires sont unanimes. L’économie française est en panne et la situation de l’emploi calamiteuse, cette progression mensuelle étant sans précédent depuis 1993. Le Monde précise toutefois que ces résultats doivent être interprétés avec prudence, car « les chiffres de juillet avaient été exceptionnellement bons, avec une baisse de 20000, ce qui explique sans doute que ceux d’août soient exceptionnellement mauvais, la tendance moyenne se situant vraisemblablement entre les deux extrêmes. »
Ce même 27 septembre, m’arrive à la lecture le courrier commun du service comprenant La Lettre du Gouvernement datée du 13 septembre 1996. Sous le titre « La baisse du chômage en juillet est un encouragement à intensifier la lutte pour l’emploi », le zélé organe officiel mensuel souligne que le chômage a baissé de 0,7% en juillet et que le taux de chômage s’est « stabilisé » à 12,5% de la population active. Il poursuit : « comme l’a souligné le chef de l’Etat, ces chiffres doivent amener à redoubler d’énergie et d’optimisme, les efforts du gouvernement commencent en effet à porter leurs fruits. Nous sommes en train d’engranger les résultats d’une stratégie de la croissance en emploi, a affirmé le ministre du Travail et des Affaires sociales. » Le message gouvernemental est souligné par une citation du 30 août 1996 du même ministre, en encadré : "les chiffres du chômage sont un démenti à la morosité". Faut-il résumer le décalage ressenti ce jour-là (et que peuvent ressentir ceux qui sont privés d’emploi ?) par la formule "tendances courtes, idées courtes", jouer au moraliste en dénonçant l’impudeur de la récupération de tout bon indice conjoncturel dont on connaît les limites, dans une vision politique à court terme, ou bien tout simplement s’étonner de l’incompétence des "professionnels" de la communication gouvernementale ? Ce sont les mêmes conseillers, en effet, qui ont sans doute oublié, quelques jours plus tard, que l’annonce d’une baisse des impôts (sur cinq ans…) par le premier ministre s’effectuait juste avant que les contribuables ne doivent payer leur dernier tiers provisionnel, au moment où ils prenaient connaissance du montant de leur imposition 1996. En particulier, les contribuables apprenaient l’augmentation de leurs impôts locaux, pour Paris par exemple, de + 8,16% pour la taxe d’habitation, dont + 17,22% pour la part revenant à la Région (là où sont évoquées un certain nombre d’affaires concernant l’attribution de marchés publics…).
Décalage…
Jean-Paul Jean
Pénombre, Novembre 1996