Les historiens et autres chercheurs en sciences humaines remettent souvent en cause le découpage strict en siècles pour un autre plus conforme aux grands changements socio-politiques. Ainsi il est fréquent d’entendre dire que le XVIIe siècle a pris fin à la mort de Louis XIV en 1715, le XVIIIe, à la Révolution française, et le XIXe, à la Grande Guerre. Pour la fin du XXe siècle, les avis sont pour l’instant partagés. Pour certains, il aurait disparu en même temps que le Mur de Berlin, pour d’autres, comme pour les rédacteurs de la revue Vingtième Siècle, le siècle qui vient officiellement de s’achever " court encore sur son erre ". Position, peut-être pas entièrement désintéressée, puisqu’elle permet de reporter le changement de titre au moment où " la présence du temps aura pris une coloration résolument XXIe siècle " (Le Monde du 23 janvier 2001).
Cette remise en cause du découpage très arbitraire du temps, lié entre autres choses au choix de la base 10, est fort louable mais laisse sur sa faim. En effet, s’il n’y a pas de raison que les changements historiques coïncident avec les changements de siècle, il n’y a pas non plus de raison que les périodes qu’ils déterminent soient des siècles, même augmentés ou diminués de 10 ou 20 ans. Si la Première Guerre mondiale, avec l’avènement de la mort mécanique en masse, a sûrement constitué une rupture historique, la Seconde guerre, qui se situe au milieu du siècle, en a sûrement constitué une autre, avec l’avènement de la mort en masse planifiée.
De même que les ères géologiques sont de longueur très variable, pourquoi en serait-il autrement des périodes historiques ?
Alfred Dittgen
Pénombre, Octobre 2001