Chaque année je prends l’almanach de la Poste que me propose mon facteur, car celui-ci est très gentil et très efficace, mais aussi parce que j’adore me plonger dans cette publication, qui, dans notre monde en perpétuel chamboulement, constitue un vrai point de stabilité avec sa liste immuable de rubriques. On y apprend des choses extrêmement intéressantes et utiles, telles que les jours de marché de toutes les communes du département. Il y a aussi plein de plans de villes où on n’a jamais été et où on n’a pas l’intention d’aller, mais où on pourrait, ne sait-on jamais, se retrouver un jour. Et, il y a l’effectif de la population de chaque pays de l’UE, à l’unité près : Allemagne : 82 360 035 ; Luxembourg : 447 136. Admirable précision, mais imprécision aussi. On ne nous dit pas quel jour et à quelle heure on trouve ces chiffres de populations.
Et puis le plus fort, les prévisions météorologiques pour toute l’année. Plus précisément, une très brève description du temps en un ou deux mots en face de chaque phase lunaire : premier quartier (PQ), pleine lune (PL), dernier quartier (DQ), nouvelle lune (NL). S’agit-il du temps uniquement ce jour-là ou autour de cette date ou jusqu’à la phase suivante ? En tout cas, sûrement ce jour-là. Où, ce temps ? Comme il y également l’heure du lever de la Lune à Paris, on peut penser qu’il s’agit du temps de la capitale.
Là je suis baba. Car il n’y a pas si longtemps la météo à la télé était donnée pour trois jours. Depuis quelques années, grâce à l’accumulation des données dans des ordinateurs de plus en plus puissants, on la donne pour la semaine. Quel est donc le savant extraordinaire capable de prévoir le temps pour toute l’année à venir ? C’est l’éditeur, monsieur J. Cartier Bresson à Boulogne-Billancourt.
Voyons donc. J’écris ce billet le mercredi 7 janvier et je lis : PL, le 7 à 15 h 41, glace.
Loupé. La température parisienne aussi bien le matin qu’en pleine journée est bien au-dessus de zéro et il pleut.
Comme j’ai gardé le calendrier de 2003, j’en profite pour regarder si monsieur J. Cartier-Bresson a prévu la canicule des quinze premiers jours d’août. Je lis pour ce mois-là : PQ, le 5 à 7 h 29, chaud. Ce n’est pas faux, mais difficilement assimilable à caniculaire, d’autant qu’il était censé faire chaud aussi le 29 juillet (NL), le 3 septembre (PQ) et le 18 septembre (DQ).
Pour la suite de ce mois d’août on lit : PL, le 12 à 4 h 49, beau.
Là on est encore plus loin du compte. Y a-t-il tromperie sur la marchandise ? Vais-je rendre mon calendrier à mon gentil facteur ? Non, car l’éditeur précise “ Ces prévisions météorologiques… n’ont qu’un caractère de probabilité ”.
Jean Célestin
Pénombre, Août 2004