Chacun se réjouit lorsque le chiffre d’affaires du bâtiment, de l’automobile, de l’équipement, etc., augmente. Lorsque celui de la santé fait de même, tout le monde se désespère et parle de " dérapage des dépenses de santé " ! On prend habituellement des mesures pour stimuler l’activité des différents secteurs. On n’hésite pas, à l’inverse, à prendre des mesures pour freiner l’activité de la santé !
Chacun admet que la qualité a un coût. Pour la santé, " l’amélioration de la qualité des soins passe par une diminution des coûts ", si l’on en croit Martine Aubry. Toute augmentation du chiffre d’affaires de la santé ne peut être due qu’à des gaspillages et non, comme ailleurs, à une amélioration des performances. Toute mesure restrictive agira, de ce fait, électivement sur les gaspillages et non sur la qualité des soins !
En résumé, il apparaît que toutes les règles qui gouvernent généralement les activités humaines sont inversées lorsqu’il s’agit de la santé.
- La santé, activité éminemment artisanale, ne génère pas d’emploi.
- Comme il n’y a ni salaire, ni investissement, ni recherche dans ce secteur d’activité très particulier, le chiffre d’affaires de ce secteur ne peut entrer dans le calcul du PIB et l’on peut le faire baisser sans que le PIB en soit affecté. Et ce serait une illusion de croire que les médicaments ou les matériels (scanner, IRM), s’ils sont sous licence étrangère, entraînent un déficit de la balance commerciale.
- D’ailleurs les acteurs de santé ne dépensent pas leur argent et ne participent donc pas à la richesse nationale.
Toute provocation mise à part, nous sommes face à un problème philosophique et à des choix politiques. Que l’on cesse de nous les présenter comme des nécessités économiques ! Le seul problème économique qui puisse se poser est de savoir si nous avons la capacité de nous payer un système de santé efficace. Encore ce problème se réduit-il à un choix politique : doit-on sacrifier autre chose pour avoir un système de santé efficace ?
Jean Goffredo, kinésithérapeute
Une réponse
La particularité et la grandeur de notre système de santé par solidarité est que les moins riches et les plus malades peuvent avoir accès à tous les soins quand ils en ont besoin. L’inconvénient est que si certains (médecins ou malades) font preuve d’incivisme, ce n’est pas eux mais la collectivité qui en paye les conséquences. Pour analyser ces dérapages, on peut dire en prenant comme vous l’accent keynésien que toute dépense publique est bonne pour l’économie. Et on peut dire aussi le contraire si on est monétariste ou libéral. Mais tout cela est question de nuances et d’appréciations. Vous soulevez là un débat fort intéressant sur la solidarité, le civisme et la responsabilité individuelle et collective, un débat essentiellement politique et philosophique. Dans ce débat, chacun est libre d’avoir ses convictions mais, tant que l’usage des nombres n’est pas précisément mis à mal, ne sortons-nous pas du champ des préoccupations de Pénombre ?
Maurice Rougemont, photographe
Pénombre, Avril 2002