--

Le Vatican : une nation d’immigrés

Dans un rapport sur l’immigration de la Commission mondiale sur les migrations internationales (« Les migrations dans un monde interconnecté. Nouvelles perspectives d’action », octobre 2005, consultable sur www.gcim.org), tout à fait intéressant au demeurant, comme j’ai mauvais esprit, je ne peux pas m’empêcher de relever la phrase suivante : « Les migrants constituent plus de 60 % de la population totale en Andorre, dans la Région administrative spéciale de Macao, à Guam, au Saint-Siège, à Monaco, au Qatar et dans les Émirats Arabes Unis ».

Cette phrase ferait mieux de figurer dans le Livre des records ou comme question au Jeu des mille euros, qu’ici. Sans avoir fait d’enquête ni de recensement, je peux affirmer qu’au Vatican les migrants doivent même approcher les 100 %, puisqu’à ma connaissance il n’y a là que des gens venus d’ailleurs, personne (sauf accident) n’étant né sur place. Par ailleurs, comme la plupart des Vaticanais viennent d’Italie, voire de Rome, la migration en question ne relève guère de cette transplantation souvent dramatique dont le rapport en question veut rendre compte.

Ceci montre que la notion de migrant est aussi à prendre avec des pincettes. Bien que concept démographique, science humaine où les définitions sont bien plus simples que dans d’autres, c’est quand même plus compliqué qu’une naissance ou un décès. En effet, un migrant c’est quelqu’un qui transporte sa demeure d’un endroit à un autre. Mais les endroits en question peuvent être définis de façon plus ou moins précise, ce qui conduit à plus ou moins de migrations. Ainsi, en France, on aura beaucoup plus de migrants internes si le point de départ et d’arrivée est la commune (encore plus si c’est le logement), que si c’est le département ou la région. Dans le cas qui nous occupe, il s’agit des migrations internationales, de pays à pays, ou plutôt externes, c’est-à-dire aussi à partir et vers des territoires appartenant à un pays mais séparé de celui-ci, car il est difficile de considérer comme migration interne celle d’un Néo-Calédonien qui va habiter en France métropolitaine.

Ce qui complique encore les choses et conditionne également le nombre de migrants, ce sont les changements de statuts des pays et des territoires. Ainsi le rapport en question fait état de fortes immigrations externes en Russie. Mais une grande partie de celles-ci proviennent des autres pays de la CEI : elles auraient été considérées comme de simples migrations internes - domestiques, comme on dit dans le langage snob de l’aéronautique - du temps de l’URSS. En sens inverse, il est probable que dans un certain nombre d’années, les migrations entre pays de l’Union européenne seront considérées comme des migrations internes.

Petite devinette pour finir. Un ancêtre à moi qui a vécu en France sans y être né, n’y a pourtant jamais immigré. Comment est-ce possible ? Réponse au prochain numéro.

Jean Célestin

 

Pénombre, Juillet 2006