Comme vous le savez, les puristes ont fait valoir qu’un millénaire se devait de commencer à l’an 1, et non à l’an 0, le zéro ne pouvant être, pour eux, un commencement, mais une clôture : ainsi, le nombre 10 a pour fonction de clore la dizaine.
Les puristes voulaient ainsi empêcher un plaisir rare mais certain : l’effet esthétique que procure le passage soudain de trois chiffres 9 à trois chiffres 0, rupture bienvenue avec la continuité habituelle du comptage - ce que tout automobiliste aura pu constater par lui-même dans le cas du kilométrage donné dans le tableau de bord de sa voiture.
D’autre part, au vu de l’incertitude qui a présidé à la décision de fixer le début du comptage à une certaine année ; tenant compte que, en ce qui concerne l’humain, l’exactitude du chiffre n’est pas seule en cause, mais qu’existent également divers effets symboliques, esthétiques, etc. ; considérant enfin qu’à faire commencer le millénaire en cette année 2000, au lieu de 2001, on effectue une erreur de 0,05%, ce qui apparaît une très bonne approximation, surtout dans les affaires humaines, je préfère, quant à moi, le plaisir de marquer l’événement rare, amusant, esthétique, en envoyant mes vœux pour le nouveau millénaire à toute l’équipe de Pénombre.
Jacqueline Feldman
Pénombre, Mars 2000