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Paroles d’évangiles

Alfred Dittgen, dans le numéro 20 de Pénombre, se livre à une spirituelle dissertation sur les notions de nombre cardinal et ordinal. Au passage, dans la note 3, il se rallie à une opinion répandue, à savoir "qu’à la fin de l’année, le christianisme n’aura pas 2000 ans, mais plus, car Denys le petit s’est trompé sur la date de naissance de son fondateur, probablement venu au monde 4 à 5 ans avant Jésus Christ !"

Où peut-on mieux faire observer que dans Pénombre que la notion de "date de naissance de Jésus" est dans une sacrée pénombre, puisque les seuls textes qui fassent mention de cette naissance sont les Évangiles de Matthieu et de Luc, qui ne sont pas des documents historiques, mais des textes édifiants.

On admet généralement que les Evangiles ont trouvé leur forme écrite à peu près définitive vers la fin du premier siècle après Jésus-Christ. A ce moment, l’événement historique le plus frappant pour les lecteurs de la Bible hébraïque est la prise de Jérusalem par Titus et la chute du Second Temple. Or si les Pères de l’Eglise ont lu une prophétie de Jérémie (25, 11 et 12 et 29,10) et une autre de Zacharie (1,12 et 7,5), ils peuvent en avoir déduit que le Messie, venu remplacer le Temple dans son rôle de Centre du monde, était né 70 ans avant la destruction de celui-ci. Denys le Petit n’aurait fait alors que placer, sans erreur, la naissance de Jésus 70 ans avant la chute du Temple de Jérusalem. Ce ne serait donc pas la naissance de Jésus qui aurait été placée en l’an zéro, mais la prise de Jérusalem par Titus qui aurait été placée en l’an septante.

Michel Louis Lévy

 
Pénombre, Mars 2000