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Le progrès fait rage

Le symbole fort de la construction de l’Europe, est un chiffre : 3 % !

Victor Descombres relève un coin du voile sur la valeur de ce symbole. Mais d’abord, à notre demande, Philippe Meyer nous a transmis le texte de sa chronique matutinale du 6 juin dernier sur France Inter dans laquelle il abordait la question des « critères de convergence ». Grande est la convergence entre Pénombre et notre distingué confrère.

 

Heureux habitants du Puy-de-Dôme et des autres départements français, une seule question brûle nos lèvres, et c’est celle de savoir si nous allons satisfaire aux exigences des critères dits « de convergence » qui nous permettront de bénéficier de la monnaie unique. C’est d’ailleurs le souci d’être en règle avec ces critères qui domine l’action politique. Ce sont eux dont on nous dit qu’ils permettent de faire ceci, qu’ils interdisent de faire cela et qu’ils obligent à telle ou telle chose… Nous atteindrons sûrement notre but, mais si par malheur nous le manquions, que se passerait-il ? Telle est la question que la jeune Zoé qui est maintenant en terminale « économie et social » (et oui ça pousse) posait pas plus tard qu’hier à son malheureux oncle sous le prétexte qu’il est censé savoir ces choses-là vu que c’est son métier de parler de tout, de rien et du traité de Maastricht.

Or il se trouve que, le traité sur l’Union européenne, dit traité de Maastricht, l’oncle en a parlé comme tout le monde, mais, comme tout le monde, il ne l’a point lu. Il en possède tout de même une copie qu’il retrouve - non sans effort - sous une pile de magazines détaillant le dernier adultère à Monaco. Dans son article 104 c, le traité dit, au paragraphe 3 : je cite « si un État membre ne satisfait pas aux exigences des critères (de convergence) la Commission (de Bruxelles) établit un rapport ». Bon et c’est tout ? Nullement : le paragraphe 4 ajoute : « Le comité prévu à l’article 109 rend un avis sur le rapport de la commission. » Ah et ensuite ? Ensuite, dit le paragraphe 5, « si la Commission estime qu’il y a un déficit excessif dans un État membre, elle adresse un avis au Conseil ». Bon et que fait le Conseil ? Paragraphe 6, « Le Conseil décide, après une évaluation globale, s’il y a ou non déficit ». Retiens bien ça Zoé. Il y a peut-être un déficit mais, après une évaluation globale, le Conseil peut décider qu’il n’y en a point. « Oui mon oncle, et après ? ». Après : paragraphe 7 : « Si le Conseil décide qu’il y a eu déficit, il adresse à l’État membre des recommandations non rendues publiques » Ça se corse ! Passons donc au paragraphe 8 qui dispose : « Lorsque le Conseil constate qu’aucune action suivie d’effets n’a été prise par l’État membre, il peut rendre publiques les recommandations ». Là il y a carrément du rififi à Bruxelles et, au paragraphe 9, ça chauffe : « Si, l’État membre persiste, le Conseil peut décider de prendre des mesures… »

« Donc mon oncle, si j’ai bien compté, il existe huit étapes avant qu’un État membre qui ne satisfaisait pas aux exigences des critères de Maastricht… « Tu as bien compté, jeune Zoé et je serais fort surpris si, en passant d’une étape à l’autre, ces fameux critères ne connaissaient pas l’assouplissement qu’ici et là on réclame à grands cris.

Je vous souhaite le bonjour

Nous vivons une époque moderne

Le progrès fait rage.

 

Philippe Meyer
écrivain, journaliste à Radio France

 
Pénombre, octobre 1997