Les réponses aux questions du n° 2 par Christiane Ducastelle
Les questions qui faisaient l’objet du concours de Pénombre n° 2 font appel à deux notions différentes : la situation juridique d’une personne et sa situation par rapport au fait migratoire.
Est étranger celui qui ne peut pas se réclamer de la nationalité française. Cet état attaché à un individu peut changer au cours de sa vie.
La notion d’immigration implique à la fois une idée de mouvement et une idée d’installation comme le montre la référence aux définitions du "Petit Robert" (édition 1993) : l’immigration est l’"entrée dans un pays de personnes non autochtones qui viennent s’y établir..." l’immigré est celui "qui est venu de l’étranger par rapport au pays qui l’accueille".
On retiendra la définition suivante proposée par l’INED et adoptée par le Haut Conseil à l’intégration : est immigré celui qui est né étranger, à l’étranger et qui réside en France. C’est un état qui ne varie pas au cours de la vie puisqu’il fait référence au lieu de naissance. Cette notion ne renseigne pas sur la nationalité de la personne considérée.
a Peut-on être étranger et immigré ?
OUI. C’est la cas de tous les immigrés qui n’ont pas souhaité acquérir la nationalité française. (2,84 millions de personnes en 1990)
b Est-on toujours immigré quand on est étranger ?
NON. On peut être étranger sans être immigré ; c’est le cas de la plupart des enfants nés en France de deux parents étrangers qui, à leur naissance ont la nationalité de leurs parents ; nés en France, ils n’ont pas immigré. (0,74 million en 1990)
c Est-on toujours étranger quand on est immigré ?
NON. Selon des règles fixées par le code de la nationalité, les immigrés peuvent demander l’acquisition de la nationalité française ; ils deviendront alors Français mais seront des immigrés. (1,3 million en 1990)
d Peut-on être immigré et Français ?
OUI. Voir (c)
e Peut-on être étranger sans être immigré ?
OUI. Voir (b)
f Peut-on être immigré sans être étranger ?
OUI. Voir (c)
g Peut-on être immigré et né en France ?
NON. La définition même de l’immigré impose qu’il soit né hors de France.
h L’expression "Immigré de la deuxième génération" a-t-elle un sens ?
NON. Cette expression est fréquemment utilisée dans le langage courant pour désigner les enfants des immigrés nés en France. Nés en France, ils ne sont pas immigrés. On peut parler de la première génération née en France de parent(s) immigré(s) ou plus simplement des enfants nés en France de parent(s) immigré(s).
Le langage courant se satisfait de concepts généraux pour parler d’un phénomène et de ces conséquences. Ainsi, on regroupe l’étranger, l’immigré, leurs enfants sous le même vocable ou des vocables construits sans souci de précision pour englober dans une masse tous ceux qui pourraient être classés comme "venus d’ailleurs". Les difficultés se font jour quand on cherche à quantifier. Combien sont-ils ? mais de qui parle-t-on ? Le statisticien et le chercheur ont besoin de définir avec précision les catégories ; en cela ils nous font sortir de la pénombre et nous aident à préciser et à comprendre de quoi, de qui nous parlons et de quoi, de qui nous voulons parler.
Si l’on veut parler des enfants nés en France de parents immigrés, ils ne sont pas eux-mêmes immigrés puisque nés en France.
Les définitions sont simples mais l’utilisation non rigoureuse de ces termes entraîne des confusions regrettables.
Christiane Ducastelle
Pénombre, Mars 1994