LA FORMULE me paraissait limpide : on doit gagner plus si on augmente son temps de travail. Or, la plupart des exemples cités par les politiques valorisent l’effet d’aubaine : celui qui effectue déjà des heures supplémentaires y gagne deux fois, en évitant d’abord la ponction des charges sociales puis celle de l’impôt sur le revenu sur les salaires correspondant à ces heures sup.
Ainsi le 13 novembre dernier, dans la nouvelle émission de Christine Ockrent, le ministre de l’Éducation nationale, Xavier Darcos, déclare : « En acceptant de prendre des heures supplémentaires, les professeurs augmentent leur pouvoir d’achat. Je vais vous donner un chiffre : un professeur certifié, qui a déjà deux heures supplémentaires, gagne aujourd’hui environ 2000 € par an. Grâce au dispositif voulu par le Président de la République, il va gagner 2300 € puisqu’il n’y aura pas de charges fiscales. Comme il n’aura pas d’impôt à payer sur cela, on peut ajouter à peu près 300 € ; il va passer de 2000 à 2600 €. C’est du pouvoir d’achat donné au professeur. »
Limpide. À part que ces 300 € en plus corres¬pondent à des charges sociales et non à des charges fiscales, et que l’économie d’impôt estimée de 300 € est un peu gonflée : si ce professeur certifié est marié et a deux enfants et si son épouse touche 1500 € par mois, il économise 214 € par an ; et 215 euros par an s’il est célibataire (source : moteur de calcul du site www.impots.gouv.fr). Ce qui fait un bonus de 515 € quand même, sans travailler plus !
Trop limpide même. Car, le 13 novembre, un auditeur de l’émission de Daniel Mermet « Là bas si j’y suis », sur France Inter, réagissait en direct : « J’appelle pour infliger une mauvaise note à l’élève Darcos […] On se souvenait que Copé, le sublime énarque et ministre du Budget, avait estimé que le salaire des enseignants était de plus de 4000 €. Et bien, Darcos a fait un calcul assez étonnant sur France 3. Il a dit qu’un prof qui gagnait 2000 € mensuels, grâce aux deux heures supplémentaires défiscalisées, donc version Sarkozy, passerait à un revenu mensuel de 2600 € : ce brillant Darcos a considéré que deux heures sup par semaine ça rap¬portait 300 € par mois, ce qui resterait à démontrer, et également que ça éviterait 300 € dans le contexte de la défiscalisation ; évidemment les 300 € d’impôt sur le revenu, c’est annuel, il n’a pourtant pas hésité à dire que ça correspondrait à un salaire de 2600 € soit une augmentation de salaire de 30 %. »
Comme quoi l’explication de Darcos était un peu confuse (et même erronée), d’autant que le montant annuel des heures supplémentaires qu’il avait en référence (2000 €) correspond peu ou prou au salaire mensuel d’un professeur certifié avec une quinzaine d’années d’ancienneté, d’où l’inter¬prétation de l’auditeur.
Daniel Cote-Colisson
Ndlr : actuellement, le salaire mensuel net de base d’un professeur certifié après 10 ans d’ancienneté est compris entre 1753 et 1859 €, et il n’atteint jamais 4000 €, même en fin de carrière. Une heure de cours hebdomadaire supplémentaire est payée à tous les professeurs certifiés, quelle que soit leur salaire de base, entre 104 € et 115 € par mois (source : www.education.gouv.fr).