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Dans le brouillard des pourcentages

Le Figaro Économie du 11 juillet 2002 : « L’impôt brut de 2002 en baisse de 5 % ». Nous lisons que, l’impôt ayant été calculé avec le barème en vigueur, on lui appliquera un abattement de 5 %, uniformément quel que soit le montant. « Bercy précise que ce « rabais sur facture » est strictement équivalent à une baisse de 5 % des taux du barème. » On pourrait comprendre alors que le taux d’une tranche taxée à 10 % devient 5 %, que celui de la tranche à 30 % est ramené à 25, etc.

C’est comme ça que je l’avais lu, du reste : en me disant aussitôt que c’était faux. Ce ne serait en rien équivalent. Un calcul sur un cas simple suffirait pour s’en convaincre. En fait, il faut comprendre que l’on applique ce rabais de 5 % au taux lui même : c’est à dire qu’on le multiplie par 0,95. Un taux de 10 % devient 9,5 % ; et ainsi de suite. Ah ! ces pourcentages de pourcentages… A déconseiller, pour éviter les ambiguïtés.

En plus, si on veut « pérenniser » cette réduction, comme on nous le promet, en l’intégrant au barème de l’an prochain, ça va nous faire des taux avec beaucoup de décimales ! Jadis, c’était rond : 5%, 10%, 15%, etc. Déjà cette année, c’était devenu : 7,5 ; 21 ; 31 ; 41 ; 46,75 et 52,75 %. L’an prochain, ça devrait donc nous faire : 7,125 ; 19,95 ; 29,45 ; 38,95 ; 44,4125 et 50,1125 %… Voilà qui va être commode ! Pourquoi ne pas garder le barème à taux ronds : c’est plus lisible. Et, continuer à appliquer un abattement en fin de calcul : c’est plus visible. Arithmétiquement équivalent, mais politiquement plus payant ! Il faudra le suggérer au ministre, qui n’y a sûrement pas pensé.

De toutes façons, ce barème, rond ou pas, ne s’applique déjà pas au revenu, mais à un revenu préalablement réduit. Par exemple, pour un salaire, on applique le barème après abattement de 10 puis 20 % (ce qui fait -28 %). Tout ça n’est pas d’une grande clarté. Mais le contribuable qui s’astreint à suivre le détail du calcul a le sentiment gratifiant qu’à chaque étape on lui fait une faveur ! Au fond, avant le ministre actuel, ses prédécesseurs ont dû en effet considérer que c’est politiquement payant. Tant pis pour l’arithmétique et la clarté du chiffrage. 

Jean-Pierre Haug, économiste

 
Pénombre, Octobre 2002