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Une douche latino

« 40 % des habitants d’Amérique Latine n’ont pas l’eau chaude et 60 % n’ont même pas l’eau courante » (Le Monde, mardi 6 août, page 2, « Trois questions à Marta Lagos »).

Dans ce contexte, si 60 % des Latins d’Amérique n’ont pas l’eau courante, alors 40 % en bénéficient. S’agit-il de ceux qui n’ont pas l’eau chaude ? Si oui, il eut suffi d’écrire que personne n’a l’eau chaude au robinet. Et d’ajouter logiquement que tous ceux qui n’ont pas l’eau au robinet ont l’eau chaude (le service de distribution d’eau la refroidit-elle en la livrant à domicile ?).

Je suis allée en Amérique Latine et j’ai eu la chan-ce de recevoir de l’ « agua caliente » pour ma douche à de nombreux endroits, chez l’habitant. Donc, cette solution est fausse. Alors de 20 à 59,9999999999 % des habitants étudiés bénéficient d’eau chaude non courante (il faudra aussi utiliser l’eau non courante non chaude puisqu’il y a 100 % d’habitants). Sources chaudes, astucieux systèmes réchauffant l’eau du puits, brûlantes cogitations neuronales des habitants ainsi informés et placés près des réservoirs d’eau de pluie, etc. À moins que ces statistiques ne prennent aussi en compte de l’eau chaude qui ne serait pas placée au service de l’homme. Ainsi les habitants d’Amérique Latine « ont » de l’eau chaude dans certains courants marins, sous leur sol.... sans l’utiliser comme « eau courante ».

On peut aussi considérer, me dis-je, que l’eau froide non courante, placée sur le feu pour faire cuire les aliments se transforme en eau chaude pour quelque temps. Oublions la composante temps de chauffe et de refroidissement et toute recherche sur le nombre de degrés qui différencient les eaux. Il faut reconnaître que la tournure de la phrase du Monde, plus que les informations qu’elle contient (mais alors à quoi servent-elles ?), permet de comprendre ce que l’on cherche à nous prouver (nombres à l’appui ?) : la pauvreté du continent.

Marie-Clotilde Pirot

 
Pénombre, Octobre 2002