« 3,6 millions, c’est le nombre de personnes qui travaillent à temps partiel ». C’est, selon Le Point, l’un des 110 chiffres incroyables de son numéro 2000 sur les Français paru en début d’année. La source n’est pas vraiment précisée. Essayons de reconstituer le chiffre.
Tout d’abord, qu’est-ce que travailler à temps partiel ? Le travail à temps partiel est défini par la loi et s’applique aux travailleurs salariés dont la durée du travail est inférieure :
- à la durée légale du travail de 35 heures ou à la durée conventionnelle lorsque cette durée est inférieure à la durée légale ;
- ou à la durée mensuelle équivalente à la durée légale de 35 heures calculée sur un mois ou à la durée conventionnelle lorsque celle-ci est inférieure ;
- ou à la durée annuelle équivalente à la durée légale de 35 heures calculée sur l’année (1 607 heures) ou à la durée conventionnelle si elle est inférieure.
Toutefois, avant la loi Aubry du 19 janvier 2000, le temps partiel était défini comme un horaire inférieur d’au moins 1/5e à la durée légale du travail ou à la durée du travail fixée conventionnellement. Mais depuis, un salarié qui travaille 34 heures 59 minutes par semaine est un salarié à temps partiel !
Dès lors, en toute rigueur, le temps partiel n’existe que pour les salariés et non pour les autres catégories de travailleurs, par exemple les travailleurs indépendants, censés travailler sans compter leur temps.
Revenons aux chiffres :
- la population active en France est évaluée à 28,7 millions de personnes, dont environ 25,8 millions de salariés (ce chiffre intègre les chômeurs, autour de 10 %) ;
- la population active salariée effectivement occupée, c’est-à-dire ayant un emploi, représente donc quelque 23 millions de personnes ;
- selon les données de l’Insee, environ 17 % des salariés travaillent à temps partiel.
Sur ces bases, le nombre de personnes travaillant à temps partiel serait de quelque 3,9 millions. Donc sensiblement plus que le chiffre indiqué par Le Point.
La critique du chiffre est ici de moindre intérêt, d’autant qu’on ne dispose pas de la source utilisée par les journalistes. C’est surtout le chiffre lui-même qui ne présente pas d’intérêt.
En effet, comment peut-on apprécier son importance et les enjeux sans autre précision, alors que le temps partiel est un véritable marqueur d’inégalité :
- le travail à temps partiel concerne les femmes bien davantage que les hommes : selon la DARES, à la fin 2009, 30,6 % des femmes et 6,2 % des hommes étaient employés à temps partiel ;
- environ 5 % des actifs se voient imposer le temps partiel par l’employeur, mais ce taux est quatre fois plus élevé pour les femmes que pour les hommes : pour autant, bien compris, il facilite l’emploi des femmes ayant de jeunes enfants.
Ainsi, un chiffre brut, aussi remarquable soit-il pour certains, est porteur d’une information limitée et d’interprétation difficile, alors que, contextualisé, il pourrait être utilisé pour sensibiliser à de véritables problèmes de société.
Daniel Cote-Colisson
Pénombre, Juin 2011