Le 24 octobre 2000 à Paris, le ministre de l’Éducation nationale met en place le Comité national de lutte contre la violence à l’école. Interviewé par Le Parisien, il déclare entre autres : " jamais il n’a été question d’installer des policiers dans les cours de récréation ou les classes ! Le policier incarne la loi, la sanction. L’école est là pour instruire et éduquer. Je continuerai à rester ferme, mais on ne peut tout mélanger. " Les juges, bouches de la Loi, apprécieront cette clarification, comme les enseignants priés de laisser la sanction aux policiers.
L’installation de ce comité est l’occasion de commenter les chiffres de la violence à l’école. De ce côté la confusion règne également. De tous les chiffres donnés en encadré, le titre de l’article ne retient que " incidents graves à la hausse ". Ce qui cette fois ne trahit pas trop les propos de la journaliste : " même si le nombre d’incidents signalés par les collèges ou les lycées sont en légère diminution cette année (225 000 par trimestre contre 240 000 lors de l’année scolaire dernière), les faits qualifiés de graves augmentent, passant de 2,6% à 2,8%. " Ce résultat est opposé aux propos du ministre qui, d’un naturel optimiste, insiste d’abord sur la baisse du total. " C’est exact, répond-il alors, les indicateurs montrent une très légère hausse sur 1999-2000. On note plus de dégradations (+4%), de vols ou tentatives de vols (+4%). Point positif cependant : moins 3% d’agressions physiques et moins 2% d’agressions verbales. "
Mais personne ne relève qu’on ne parle pas des mêmes pourcentages. La pédagogie ministérielle n’est plus ce qu’elle était !
Un chiffre dans la tête
L’encadré sur les " derniers " chiffres permet de remettre ces pourcentages dans le bon sens, mais il faut sortir sa calculette (ou faire quelques calculs mentaux selon son âge). Est-il évident à vue d’œil que pour les faits considérés comme les plus graves – et l’on imagine comment cette notion de gravité peut être imprécise, rien n’est expliqué à ce propos – 2,8% de 225 000 représente une augmentation sensible par rapport à 2,6% de 240 000 ? En chiffres absolus, on passe de 6 240 à 6 300. Ce qui fait une augmentation de 1% environ. Avec la précision qu’on peut attendre de cette collecte de données administratives, on pourrait au mieux dire : tandis que l’ensemble des incidents signalés régresse (-6%), les plus graves demeurent stables. Si le ministre avait ce chiffre en tête lors de sa réponse, il pouvait parler de très légère hausse.
La journaliste va de son côté au-delà de l’approximation liée au passage des chiffres aux mots quand elle écrit dans son encadré que les dégradations (actes de vandalismes, gros tagages, débuts d’incendie) se sont envolées (de 20,2% du total à 24,8%), et que la consommation de drogue ou le trafic (de 2,2% à 3,3%) et le port d’armes blanches ou bombes lacrymogènes (de 1% à 2%) restent plutôt stables. Vous avez bien lu : de 2,6 à 2,8 % (pour les faits graves) augmentation ; de 2,2 à 3,3 %, stabilité. Dans ce cas, faut-il envoyer un policier ou un prof ?
Bruno Aubusson de Cavarlay
Pénombre, Avril 2001