Je serai d’accord en tout sur ce que Claude Bressand écrit. Sauf sur l’angélisme implicite. L’auteur nous invite à croire que chacun souhaite être clair. Rien n’est moins sûr, quelque regret qu’on en ait. Il est bien vrai que, de deux présentations statistiques, toutes deux formellement exactes, l’une ou l’autre convient mieux selon le contexte. Mais il est de fait que l’on voit choisir, tendancieusement, celle qui est la plus flatteuse pour la thèse de celui qui parle.
Un exemple, plus simple encore que celui des pourcentages « en dedans » et « en dehors ». Il y a plusieurs années, dans un rapport du CERC, nous avions donné le salaire médian. Je ne sais plus quel était le chiffre, à l’époque ; mais cela n’a pas d’importance ici ; mettons que ç’ait été 3000 F par mois. Rendant compte de notre rapport, un journal (de droite, évidemment) titrait « La moitié des salariés gagnent plus de 3000 francs par ». Et un journal (de gauche, par hypothèse) titrait le même jour « La moitié des salariés gagnent encore moins de 3000 francs par mois ». Aucun des deux n’était répréhensible.
De même, il est plus apaisant de constater que les femmes gagnent, en moyenne, 20% de moins que les hommes ; et plus alarmiste de révéler que les hommes sont payés 25% de plus que les femmes. Suivons donc les conseils sages de Claude Bressand : mais restons lucides quant aux tentations des acteurs engagés.
René Padieu
Pénombre, Novembre 1996