À la lecture des articles sur l’inégalité des salaires entre les femmes et les hommes (La Lettre blanche n°10), nos colonnes s’ouvrent encore un peu.
…sur la bonne manière de faire les comparaisons de chiffres entre deux populations. Je reprends l’exemple qu’il donne in fine d’un salaire féminin de 100000 F et d’un salaire masculin de 200000 F. La comparaison s’impose : il faut rapporter le salaire de la femme à celui de l’homme et dire que la première gagne 50% de moins que le second. Pourquoi ? Parce ce qu’en prenant l’homme comme référence, on aboutit à la conclusion que la femme est désavantagée par rapport à celui-ci, ce que l’on veut montrer en l’occurrence, me semble-t-il. On compare l’anormal au normal. Si on fait l’inverse, on postule que le salaire de la femme est normal ! et on arrive à la conclusion que celui de l’homme est trop élevé ! On dessert alors et la cause des femmes et celle des salariés.
Je ne fais ici que rejoindre les judicieuses remarques de Claude Bressand. Si je me permets d’y revenir, c’est que ce problème est souvent mal traité. Ainsi dans une thèse sur la scolarité dans un pays en développement, un doctorant avait rapporté systématiquement les effectifs scolarisés masculins sur les effectifs scolarisés féminins. D’où une impression de « sur-scolarité » masculine !
Pourquoi avait-il fait la comparaison de cette façon ? Tout simplement parce qu’il était démographe et que les démographes rapportent beaucoup plus fréquemment les effectifs masculins sur les effectifs féminins, c’est-à-dire, calculent des rapports de masculinité plutôt que des rapports de féminité. Mais ce n’est pas sans raison. Partons des effectifs par sexe à la naissance. On sait que pour 100 naissances féminines, il y 105 ou 106 naissances masculines. Cette façon de présenter les choses ne se justifie pas plus que la façon inverse : pour 100 naissances masculines, il y a 94 ou 95 naissances féminines. Pourquoi utilise-t-on cependant systématiquement le rapport de masculinité ? Parce qu’avec l’avancée en âge, ou en remontant la pyramide, les effectifs masculins décroissent anormalement vite par rapport aux féminins, pris comme normes. En effet, comme nous espérons vivre le plus longtemps possible, nous prenons comme référence la mortalité la plus faible. C’est d’ailleurs pourquoi on mesure la sur-mortalité et non la sous-mortalité.
Alfred Dittgen
Pénombre, Novembre 1996