L’éditorial du n°17 de la lettre mensuelle Tabac Actualités pointe sur l’utilisation malsaine d’un chiffre issu d’une enquête quantitative commandée par un industriel du tabac (la filiale française de British American Tobacco) : 60 % des ex-fumeurs déclarent qu’il est facile de s’arrêter de fumer. Tabac Actualités reproche à cette assertion de ne porter que sur les fumeurs ayant réussi et d’omettre l’autre catégorie de ceux qui ont leur mot à dire, à savoir les fumeurs actuels : " Il aurait été plus objectif de mesurer le pourcentage de fumeurs voulant cesser de fumer, ayant échoué à une ou plusieurs tentatives, ou déclarant qu’il est effectivement difficile d’arrêter de fumer. "
Cette Lettre est suffisamment militante dans le sens d’une information du public sur les méfaits du tabac pour admettre que, dans le domaine de l’utilisation des chiffres, chaque parti peut choisir ses armes en évitant de tomber dans l’excès de mauvaise foi, mais il est plus facile de dire : "100 % des anciens fumeurs ont réussi à arrêter" que "100 % des fumeurs actuels ayant échoué dans leur tentative(s) de sevrage trouvent qu’il est difficile d’arrêter".
Dommage, la cause la plus louable d’un point de vue de santé publique n’est pas forcément la plus facile à défendre.
Si on ne peut pas forcément contester le choix de tel ou tel indicateur, il serait en revanche bénéfique pour la qualité de l’information que les commanditaires soient fortement incités à mobiliser les meilleures sources plutôt qu’à financer des enquêtes ad hoc à la robustesse douteuse et in fine plus coûteuses qu’une petite analyse secondaire. En reprenant les résultats d’une enquête qui fait référence en la matière, le Baromètre santé 2000 du CFES (Comité Français d’Éducation pour la Santé), enquête téléphonique sur échantillon aléatoire d’environ 14 000 individus représentatifs des 12-75 ans résidant en France métropolitaine, on observe qu’environ six fumeurs actuels (i. e. déclarant fumer actuellement, ne serait-ce que de temps en temps) sur dix déclarent avoir envie d’arrêter de fumer, la moitié d’entre eux renvoyant cette perspective à un avenir indéterminé. Comme quoi, ce n’est pas si facile…
François Beck
Pénombre, Janvier 2002