On a parfois stigmatisé les mauvais journalistes qui croient faire clair en ramenant une description statistique sur la tête d’un individu " moyen " ou " typique ". C’est ainsi qu’on vous fait un prétendu " portrait robot " de l’agriculteur, du retraité, de la famille nombreuse, du toxicomane ou du vacancier : en accordant à ce mythique personnage les caractéristiques les plus fréquentes dans la population correspondante ou la valeur moyenne de diverses variables. Donc, le Français-moyen serait citadin, marié, père de 1,8 enfant, etc. On ne nous précise toutefois pas quel est le sexe du Français-moyen ... On lit même des absurdités comme " chaque Français consomme en moyenne x litres d’alcool pur par an " : si c’est une moyenne, c’est bien pour dire que ce n’est pas la même chose pour tout le monde. Il est même très improbable qu’il existe une personne qui soit juste à la moyenne. De sorte que la seule phrase sensée qu’on doive écrire serait " chaque Français consomme autre chose que x litres d’alcool " : ce qui, vous en conviendrez ne nous renseigne en rien et n’offre aucun intérêt.
Les journalistes ne sont pas statisticiens et racontent donc des calembredaines. Las ! D’où l’exemple, le mauvais exemple, vient-il ? Je vous le donne en mille. De l’Institut de statistique soi-même ! Le numéro 807 de Insee-Première (septembre 2001), sous le titre " Le locataire dans la ville ", débute par ce morceau d’anthologie : en 2000, le locataire en HLM est arrivé depuis un peu plus de 10 ans, il perçoit une aide dans la moitié des cas, est souvent retraité ou ouvrier et son ménage comprend au moins trois personnes. Dans le secteur libre, le locataire n’est là que depuis 5,6 ans ; il ne déclare percevoir une aide que dans un tiers des cas. Il est plutôt jeune, membre d’une profession intermédiaire et vit souvent seul. "
Moralité : si la solitude vous pèse, prenez votre retraite et emménagez dans une HLM : dans une dizaine d’années, vous avez de bonnes chances d’avoir deux personnes qui vivront avec vous...
Jean-Pierre Haug
Pénombre, Janvier 2002